Dans le cadre du festival Alternatiba, hébergé le mois dernier par la ville de Genève (notre édition du 14 septembre), un espace était consacré aux médias alternatifs et citoyens. Le quotidien Le Courrier ou Gauchebdo y tenaient leur stand, tout comme d’autres médias dont Jet d’encre, tribune indépendante et participative sur le web, qui a donné une présentation de ses activités.
Charlotte Frossard, journaliste et membre du comité de Jet d’encre, a introduit le débat en décrivant la crise que traversent depuis une décennie les médias, la presse écrite en particulier. Habitués à financer leurs publications par les annonces publicitaires, les éditeurs de journaux subissent le recul de ces recettes et la baisse de rendement de leur titre. Concevant l’information et son traitement journalistique comme une entreprise lucrative, ils rentabilisent la production en rachetant des titres et en fusionnant des rédactions, avec pour corollaire la précarisation de l’emploi et les licenciements. Le recours accru aux sponsors brouille encore davantage les limites entre publicité et contenu rédactionnel et n’améliore en rien ce dernier.
L’émergence de médias alternatifs constitue une réaction salutaire à cet état de fait, selon Charlotte Frossard. Mais comment définir un média alternatif? Pour elle, il se distingue par son indépendance financière – en l’occurrence, pour Jet d’Encre, une association sans but lucratif qui est financée par les lecteurs, une contribution publique ponctuelle (voir plus bas) et l’appel à des dons – et par le choix et le traitement des thèmes abordés.
Son collègue Victor Santos Rodriguez a quant à lui insisté sur les objectifs des créateurs de Jet d’Encre et les valeurs qui guident l’action de l’association. Orateur doué, Victor semble viser l’adhésion inconditionnelle de son public à Jet d’Encre. Son enthousiasme a quelque chose de contagieux et l’assistance manifeste son intérêt par ses questions sur les origines du groupe, son fonctionnement et ses projets.
Une équipe de bénévoles
A l’origine, quatre étudiants de l’université de Genève nés en 1988, insatisfaits d’un enseignement trop peu critique, se retrouvent régulièrement pour aborder des points de vue différents et plus variés que les sujets traités en classe. Ce groupe des «quatre de quatre-vingt-huit» se constitue en 2011 en association. En 2016, l’association obtient le versement d’une subvention unique par le Fonds Jeunesse Genevoise, destinée au financement d’un nouveau site internet amélioré. Pour le reste, le projet est autofinancé, les membres du comité et les contributeurs travaillant de manière bénévole.
Lors de réunions hebdomadaires, les huit membres du comité alimentent le site internet «Jet d’encre, tribune indépendante pour une pensée plurielle», qui entend «contribuer positivement à la bonne marche de nos sociétés démocratiques» et «offrir un espace de réflexion et de dialogue citoyen au sein duquel tout le monde pourrait s’exprimer». Le comité décide des articles qui seront publiés – dont certains repris d’ailleurs – mais il aide aussi des personnes qui, sans avoir l’habitude de la rédaction, désirent néanmoins s’exprimer, dans le but de permettre une participation maximale.
Le site www.jetdencre.ch avec ses nombreuses rubriques est déjà une cave d’Ali Baba richement remplie de contributions émanant d’auteurs parfois très connus, habituellement situés à gauche mais pas toujours, «pensée plurielle» oblige. Un constat qui pousse forcément à se poser la question de la ligne éditoriale ou des éventuelles limites posées en cas de propositions de contributions aux contenus réactionnaires.