A l’heure des GAFAMs tout puissants et de la prolifération des fake news, de plus en plus de médias luttent pour leur survie. C’est un secteur tout entier, à la recherche d’un modèle économique viable, qui doit se réinventer. En Suisse, la presse écrite régionale et locale agonise lentement, mais sûrement. Les recettes publicitaires ont baissé en moyenne de 40% ces vingt dernières années. Elles se sont effondrées de deux-tiers ces dix dernières années. Pendant ce temps-là, les plateformes numériques internationales ont réalisé deux milliards de recettes publicitaires sur le marché suisse en 2020.
Pour maintenir une démocratie vivante et vigoureuse, les citoyens et les citoyennes doivent pouvoir bénéficier de contenus journalistiques pertinents et fiables dans toutes les régions linguistiques du pays. L’indépendance des médias et le pluralisme sont en danger lorsque les professionnel-le-s des médias, incapables de se concentrer sur leur mission, se sentent acculés et sont engagés chaque seconde dans une lutte pour leur survie.
L’emprise sur les médias d’une caste de ploutocrates milliardaires, phénomène inquiétant observable aujourd’hui chez nos voisins français, est la garantie d’une dégradation de la qualité de l’offre journalistique. Elle aboutit à la banalisation, si ce n’est à la promotion active du populisme et des thèses antidémocratiques de l’extrême-droite.
Le pluralisme et la diversité de nos médias régionaux et locaux auront de bonnes chances d’être soutenus et préservés grâce à ce paquet d’aide à la presse écrite, aux chaînes de radio, aux télévisions privées, aux éditeurs en ligne et aux organisations de la branche des médias. Etalé sur sept ans, il permettra des investissements indispensables, en particulier pour assurer la transition vers le digital ainsi pour conserver des rédactions de proximité. La période de transition permettra de s’ajuster aux nouvelles règles du marché et de faciliter la réflexion du parlement sur les moyens de défendre un journalisme d’intérêt public.
Une couverture locale menacée
En cas de non le 13 février, la diminution des titres et la concentration des rédactions se poursuivront au détriment des médias locaux et régionaux. Comme l’a relevé notamment Christine Bulliard-Marbach, conseillère nationale du Centre et présidente du Groupement suisse pour les régions de montagne, les conséquences pour les régions reculées et minoritaires seraient très mauvaises. La couverture locale déjà menacée, essentielle à l’expression de la diversité d’opinion et à la cohésion sociale, serait encore plus appauvrie.
Les contre-arguments de la droite ultra-nationaliste et d’une partie de la droite bourgeoise sont d’une mauvaise foi affligeante. Les aides à la presse ne modifieraient pas de fond en comble le fonctionnement de notre système politique. Les aides indirectes, par exemple, existent déjà.
A moins de verser dans la paranoïa, il n’existe pas à l’heure actuelle en Suisse de loi sur la censure, pas plus qu’il n’y a d’agents de l’Etat infiltrés dans les comités de rédaction. Les opposants confondent allégrement les petits et les grands groupes actifs dans le secteur des médias. Contrairement à leurs affirmations, la loi prévoit des aides dégressives. Les petits éditeurs toucheront donc proportionnellement plus que les grands. Les montants engagés – 151 millions par année pendant sept ans – ne sont pas particulièrement élevés. Il faut rappeler que la dépense publique suisse annuelle représente 200 milliards par année ! Les mêmes personnes qui poussent aujourd’hui des cris d’orfraie ont défendu avec vigueur un crédit de 6 milliards pour les avions de chasse. Christophe Blocher a lui-même racheté à tour de bras des journaux gratuits.
Pour préserver nos médias locaux et régionaux, garantir un journalisme de qualité, basé sur le travail d’investigation et la recherche des faits, votons oui le 13 février au paquet d’aide aux médias !