«Il est clair que le référendum ne peut pas à lui seul abolir Frontex et supprimer la violence aux frontières. Mais en tant que partie d’une résistance diversifiée, nous voulons et pouvons renforcer les revendications communes comme le non à Frontex et le oui à la liberté de mouvement», a expliqué un membre du référendum No Frontex à Vorwärts suite à une question. Autre aspect positif à relever: «Grâce au référendum, on va maintenant parler plus intensément pendant plusieurs mois de ce qui se passe aux frontières extérieures de l’UE, de ce que la Suisse doit faire à ce sujet et, finalement, voter sur la question de savoir comment les personnes ayant le droit de vote en Suisse veulent se comporter à ce sujet».
La soi-disant Suisse neutre
La contribution de la Suisse à l’agence européenne de surveillance des frontières Frontex devrait désormais s’élever à 61 millions de francs. Cette somme – plus de quatre fois la contribution actuelle- a été approuvée par le Parlement en septembre dernier. Les deux chambres ont argumenté ainsi: «Depuis 2016, l’UE équipe le corps de garde-frontières et de garde-côtes Frontex de davantage de personnel et d’équipements techniques, afin que l’agence puisse mieux assumer ses tâches dans le domaine des frontières et des retours. La Suisse doit également participer à cette extension, car il s’agit d’un développement de Schengen.»
Comme si les 14 millions précédents ne suffisaient pas. Une contribution accrue à une agence de protection des frontières qui viole les droits de l’homme par la force est une catastrophe. C’est pourquoi le Migrant Solidarity Network avait lancé le référendum, qui a ensuite été soutenu par plusieurs autres organisations et partis. Dans un sprint final à suspense, le collectif No-Frontex a pu déposer plus de 62’000 signatures dans les délais impartis, peut-on lire sur son site Internet.«C’est un grand succès et un énorme signe de solidarité!», souligne le collectif.
Des normes éthiques élevées?
Sur le site frontex.europa.eu, on peut lire: «Frontex dispose des connaissances, des aptitudes et des compétences nécessaires pour remplir sa mission de manière efficace et dans le respect de normes éthiques élevées, et l’agence vise constamment l’excellence afin d’améliorer ses performances.» Des normes éthiques élevées? La question se pose. Mais la vantardise va plus loin: «Frontex reconnaît l’importance des personnes, des institutions et de leurs fonctions et leur témoigne du respect en les considérant comme précieux et importants.» Et l’agence frise volontiers l’hypocrisie: «En tant que représentant public de l’Europe, Frontex sert les intérêts des citoyens, car les personnes sont au cœur des activités de l’agence et celle-ci croit aux valeurs européennes.»
Une telle fausseté donne littéralement la nausée. Le fait est que la réalité est différente. De nombreux rapports le prouvent: Frontex participe directement et indirectement à de graves violations des droits de l’homme. Contrairement à ce qu’elle prétend, l’agence ne semble avoir aucun respect pour la vie et les droits des personnes en fuite. A moins qu’attaquer les migrants avec des armes à feu, des matraques, des chiens de combat, des canons sonores et des canons à eau ne soit considéré comme des «normes éthiques élevées» et des «valeurs européennes» ?
Une politique migratoire épouvantable
Parmi les tâches principales de Frontex figurent le rapatriement et l’expulsion des migrants «irréguliers», l’armement des autorités locales de protection des frontières et la rédaction de soi-disant «analyses de risques», accompagnées de recommandations d’action. Dans le cadre de l’externalisation croissante du régime migratoire de l’UE, des interventions ont également lieu dans un nombre croissant de pays tiers. Frontex coopère avec plus de 20 pays en dehors de l’UE.
Un exemple courant se trouve dans la coopération avec les garde-côtes libyens, qui interceptent les bateaux de migrants et les ramènent de force en Libye. «Les activités de Frontex encouragent le récit raciste de la migration comme une menace. La politique de fermeture de l’UE a coûté la vie à plus de 44’000 personnes depuis 1993, et bien plus encore si l’on tient compte des cas non déclarés», peut-on lire sur le site du collectif référendaire No-Frontex. La Suisse profite largement de la violente défense européenne contre l’immigration. Car en tant que port d’attache pour les entreprises de matières premières, place bancaire internationale et fabrique d’armes, elle est un important profiteur du système capitaliste mondial. Et elle est ainsi coresponsable de nombreuses causes de fuite.
Empêcher une condamnation à mort
«Frontex est un acteur central de la politique de fermeture de l’Europe, mais n’est pas le seul problème. La résistance doit donc être multiple, se produire à différents niveaux et être dirigée contre différents acteurs. Beaucoup de choses sont déjà entreprises», déclare le collectif au magazine Vorwärts. Et d’ajouter: «Mais la responsabilité se situe au cœur de l’Europe, à Bruxelles et à Berne. Il s’agit d’exercer une pression à ces endroits. Le référendum nous fournit un moyen de pression concret: le financement. Car le calcul est simple: sans argent, pas de Frontex».
Le 15 mai, les électeurs suisses auront le choix. Oui à Frontex ou oui à la liberté de mouvement? Il convient de rappeler ici qu’un oui à un financement plus important de Frontex représente en même temps une condamnation à mort indirecte pour de nombreuses personnes fuyant les frontières de l’UE.