Pour le prisonnier politique indigène Leonard Peltier (77 ans), incarcéré aux Etats-Unis depuis 1976, sa 46e année de détention se termine de manière dramatique. Le 29 janvier, il a été testé positif au coronavirus. Alors que Peltier espérait auparavant n’être que gravement enrhumé et pouvoir recevoir, comme d’autres détenus, un vaccin de rappel, il doit maintenant être mis en quarantaine pour dix jours dans la prison de haute sécurité de Coleman en Floride.
Dans un article du Huffington Post du 23 janvier, Peltier avait déjà décrit en termes dramatiques les effets de la situation pandémique et du lockdown prolongé qui en résulte sur lui, les autres détenus et le personnel de la prison. Selon le prisonnier politique, l’anxiété et le stress augmentent. Des infections corona dues à des dispositions irresponsables sont courantes.
Militant de l’American Indian Movement (AIM), Peltier, est dans le collimateur du FBI depuis l’occupation du bâtiment du Bureau des affaires indiennes de Washington en 1972. En 1975, il est appelé dans la réserve de Pine Ridge dans le Dakota du Sud à la demande des anciens de la tribu Lakota. A cette époque, un escadron de la mort, armé par le FBI et au service d’un gouvernement tribal corrompu, semait la terreur, en assassinant des Lakota ainsi que des militants indiens des droits civiques. Pour protéger une famille âgée, les activistes de l’AIM installent un camp près de sa propriété, attaquée le 26 juin 1975 par les agents du FBI, Jack Coler et Ronald Williams. Ces derniers, ainsi qu’un jeune militant de l’AIM, Joe Stuntz, sont tués lors d’un échange de tirs qui s’en est suivi.
Léonard Peltier, comme Bob Robideau, Dino Butler et Jimmy Eagle ont été désignés comme les principaux suspects de la mort des agents du FBI. Les deux premiers ont été acquittés en raison de l’invraisemblance des preuves de l’accusation et pour cause de légitime défense, la procédure contre Eagle a aussi été abandonnée. Peltier, en revanche, a été condamné à deux peines de prison à vie malgré des doutes importants sur l’authenticité des «preuves» présentées.
Son séjour en prison a été marqué par de longues phases d’isolement et d’enfermement permanent, par des agressions physiques de la part de codétenus, par un complot d’assassinat contre sa personne, par un suivi médical totalement insuffisant et, finalement, par le rejet de toutes ses demandes de transfert et de grâce. Un mouvement de soutien au prisonnier politique a vu le jour dans le monde entier et réclame justice depuis des années.
Une ministre de l’Intérieur aux racines indigènes
Pour certains, l’arrivée de Joe Biden à la présidence au début de l’année dernière a fait renaître l’espoir, notamment parce que sa ministre de l’Intérieur, Debra Haaland, a des racines indigènes. Alors qu’elle était encore membre du Congrès, Haaland avait déjà demandé la libération de Peltier en raison du risque qu’il courait lors de la pandémie de coronavirus. Mais rien n’a encore été fait. La demande de transférer Peltier dans une prison moins sécurisée, ce qui aurait permis d’améliorer les soins médicaux et d’augmenter les chances de libération, a également été rejetée en 2021.
Une campagne de cartes postales a été organisée pendant l’été 2021, à laquelle ont participé de nombreux groupes de solidarité du monde entier, mais surtout d’Europe. Sur les 55.000 cartes postales imprimées pour réclamer la liberté de Peltier, plusieurs milliers sont déjà parvenues à la Maison Blanche à Washington. En outre, des pressions ont été exercées sur différents hommes politiques. Par exemple, le président du Parlement européen, l’Italien David Sassoli, décédé le 11 janvier dernier, a annoncé l’été dernier qu’il allait envoyer une lettre au président américain Biden pour lui demander de gracier Peltier. Des personnalités du monde de la culture ainsi que onze membres du Congrès américain ont également demandé la libération du prisonnier politique.
En juillet 2021, James Reynold, qui avait été le représentant de l’accusation lors du procès de Peltier en 1977 et qui était en partie responsable de la condamnation du militant, a demandé la libération du prisonnier politique. Il a également présenté des excuses publiques pour la condamnation et l’emprisonnement de Peltier et a admis qu’il n’y avait aucune preuve contre lui et qu’il n’aurait donc jamais dû être condamné.
A l’occasion du début de la 47ème année que Peltier doit passer derrière les barreaux, des actions sont prévues dans le monde entier pour la libération de l’activiste indigène, notamment en Allemagne, Italie, ou France. Il est notamment prévu de renforcer la collaboration avec d’autres mouvements sociaux, par exemple dans le domaine des droits de l’homme, des questions environnementales, des luttes sociales et de de l’antiracisme.