Dans la nuit de mardi à mercredi 2 février, soixante avions des forces armées turques ont bombardé trois lieux symboliques du confédéralisme démocratique, théorisé par le leader du PKK Abdullah Öcalan: le camp de réfugiés de Makhmour au Kurdistan irakien (le berceau de ce système politique); au Rojava, le Kurdistan syrien (première application de ce système à grande échelle) et à Shengal (Sinjar), la région irakienne proche de la frontière syrienne à majorité yézidie (la première application dans une communauté ethnico-religieuse différente). Des heures de bombardement pendant la nuit sur des villages et des communautés civiles et sur un camp de 12’000 réfugiés, causant mort et destruction. «A Makhmour, il y a un grand nombre de personnes blessées, dont beaucoup gravement et un mort. Une odeur acre s’est répandue après le bombardement – nous supposons que l’armée turque a utilisé des armes chimiques», relève Giulia Crescenzi, administratrice du groupe de théâtre Em şanogerin, basé à Bâle.
Rappelons que les jours précédents, les Forces démocratiques syriennes (à majorité kurde) avaient déjoué un assaut des miliciens de l’Etat islamiste, couverts militairement par des drones turcs, visant à libérer leurs membres dans des camps de détention gérés par les Kurdes dans le nord de la Syrie.
Ces attaques turques viennent après l’occupation militaire de la région d’Afrin en 2018 et l’invasion militaire au Rojava en 2019, toujours occupé aujourd’hui.
«Ces attaques visent à semer la panique et à intimider la population de Shengal, Makhmour et Rojava, dans le but de les pousser à quitter le pays et à se distancer du mouvement de libération. La population de Makhmour a fui la Turquie il y a plus de 27 ans, fuyant la terreur et l’extermination. Dans leur camp de réfugiés autogéré, ils ont construit un modèle de société axé sur les valeurs de l’être humain, un modèle démocratique de base, égalitaire et tourné vers l’avenir. Il en va de même pour la population de Shengal et du Rojava», assure Giulia Crescenzi.
«Crimes de guerre»
«Il s’agit de crimes de guerre», estiment le Congrès national kurde (KNK) et de la confédération de la société kurde en Europe (KCDK-E). «En intensifiant ses agressions contre le Rojava, le régime d’Erdogan cherche par ailleurs à détourner l’attention de ses échecs cuisants à l’intérieur. Il tente d’étendre son occupation à toute la zone frontalière du nord de la Syrie, où coexistent pacifiquement des populations kurdes, arabes, arméniennes, assyriennes, turkmènes et circassiennes. Il voudrait plonger tout le nord de la Syrie dans l’obscurité et le désespoir, à l’instar des zones occupées d’Afrin, de Serêkaniyê et de Girê Spî», soulignent les deux organisations.
Elle dénoncent une «politique génocidaire» et demandent aux organisations internationales de mettre fin aux massacres aériens d’Erdogan par tous les moyens diplomatiques disponibles et à prendre des sanctions économiques contre son régime. «Erdogan doit être traduit devant la Cour pénale internationale pour répondre de ses crimes contre l’humanité», estiment-elles.