Le vote utile a parfaitement fonctionné au Portugal. Le parti socialiste du premier ministre Antonio Costa arrive en tête du scrutin avec 41% des voix contre 36% précédemment, ce qui devrait lui permettre de décrocher 117 sièges au parlement. Cet appui au sortant se fait au détriment des deux partenaires de sa coalition au pouvoir. Le Bloc de Gauche obtient 4,4 % des voix et 5 sièges contre 9,5 % et 19 sièges en 2019. Le Parti communiste portugais (PCP), lié aux Verts dans la Coalition démocratique unie (CDU), décroche 4,3 % des voix et 6 sièges contre 6,3% et 12 sièges il y a trois ans. «Ce résultat est en deçà du travail accompli et de la contribution notable aux avancées et aux victoires obtenues, de la valeur des solutions proposées aux problèmes nationaux, de la campagne de clarification et de mobilisation pour le vote à laquelle des milliers de militants ont donné corps et représente un élément négatif dans la vie nationale», a souligné Jeronimo de Sousa, leader du PCP. En rajoutant:«Le PS a le choix entre trouver un accord avec le PSD (parti de centre-droite, arrivé en seconde position, avec 27,8 % des voix) ou converger à gauche avec la CDU pour répondre aux problèmes du pays.»
«Ce résultat est une défaite. Outre le fait que la majorité absolue probable est une mauvaise nouvelle pour le pays, le résultat est également mauvais, à cause de l’extrême droite», a souligné Catarina Martins, coordinatrice du Bloc de gauche depuis 2012. Interrogée une nouvelle fois sur le refus de son parti lors du vote sur budget de l’Etat, elle a affirmé qu’«il ne s’agissait pas seulement d’un problème de quantité d’argent à dépenser, mais aussi de la quantité d’argent à consacrer à l’économie». «Il faut être exigeant quand il y a un million de personnes, qui n’ont pas de médecin de famille, ou des services d’urgence qui ne peuvent pas répondre au pays chaque jour, quand il y a tant de personnes qui vivent de plus en plus mal parce que leurs salaires sont de plus en plus bloqués au salaire minimum et n’ont pas progressé depuis plus d’une décennie», a-t-elle assuré.
«Dieu, patrie, famille, travail»
La mauvaise surprise de ces élections réside surtout dans l’émergence du parti d’extrême droite Chega, d’André Ventura, qui décroche 12 sièges et 7,1 % des suffrages. Ce professeur des universités s’est fait connaître par ses propos ciblant et dénigrant les noirs et les gitans. Dans le discours de clôture du IVe Congrès national de son parti en novembre 2021, il s’était approprié la devise du dictateur Antonio Oliveira Salazar pendant l’Estado Novo (1933-1974), «Dieu, patrie et famille», en y ajoutant le mot «travail», pour résumer les valeurs auxquelles croit son parti
A cette percée s’ajoute aussi celle des conservateurs libéraux de l’Initiative libéral (8 sièges), qui sont en progression et devancent même le Bloc de gauche. D’où un poids plus important au parlement des conservateurs, voire d’ultra-conservateurs, pour la prochaine législature. Dans le même temps, le CDS-Parti populaire, parti conservateur «historique», continue son effondrement, passant de 4,2 % à 1,6 %, n’ayant plus aucun siège au parlement, alors qu’il en détenait une quarantaine dans les années 80.
«Il semble probable que les électeurs de gauche aient opté pour le vote utile, normalement si dévastateur pour les petits partis: soit pour donner de la stabilité au gouvernement d’Antonio Costa, soit en raison de la menace très réelle d’un éventuel gouvernement conservateur soutenu par l’extrême droite d’André Ventura», estime Daniel Toledo dans le journal El Salto.