La situation des sans-papiers reste difficile en Suisse. Dans le dernier numéro de Panorama, la revue de l’Observatoire romand du droit d’asile et des étrangers (ODAE) relève que les cantons romands sont très chiches quand il s’agit de présenter des dossiers de régularisation auprès du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM), juge de paix dans le domaine. En 2020, Fribourg n’a soumis que 2 cas, le Jura 4, Neuchâtel 1 et le Valais zéro. Sur ces cinq dernières années, ce dernier canton n’a présenté qu’un seul cas. Exceptions dans ce panorama, les cantons de Vaud et de Genève.
Nombreuses contraintes
En 2020, Vaud a présenté 82 cas à Berne, alors qu’on estime qu’il y aurait 12’000 personnes sans-papiers sur le territoire vaudois. «Dans ce canton, des lignes directrices ont été édictées afin de préciser les critères inscrits dans l’Ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative (OASA). Une durée de séjour d’au moins dix ans pour les personnes seules, ou d’au moins cinq ans pour les familles avec enfant scolarisé, une absence de condamnation pénale – à l’exception de condamnation pour séjour illégal – et l’indépendance financière sont ainsi demandées en vue d’une transmission des dossiers. Nos correspondant.es signalent néanmoins la grande difficulté qu’ont les personnes à apporter les preuves de leur séjour sur des périodes aussi longues. Les autorités cantonales sont effectivement très pointilleuses et exigent des preuves pour chaque mois passé en Suisse», relève Raphaël Rey, permanent de l’ODAE.
A la suite de l’Opération Papyrus de 2017-2018, qui a permis la régularisation de près de 3000 personnes, principalement des familles avec enfants, le canton de Genève a encore proposé à Berne 1260 cas en 2020, mais l’ODAE prévoit des durcissements aussi dans ce canton. Quant aux autorités fédérales, elles maintiennent le statu quo et ne veulent pas faciliter plus fortement un accès à la résidence à ces travailleurs et travailleuses extra-européen.nes.
Absence de statut légal
En ce qui concerne les difficultés de vie quotidienne des sans-papiers, l’ODAE relève que leur accès à la justice est difficile par peur de la police. «Beaucoup de victimes hésitent et renoncent à déposer plainte de peur d’être condamnées en raison de leur situation irrégulière et, à terme, d’être expulsées. C’est l’absence même de statut légal qui rend donc cette population particulièrement vulnérable, qui attire différentes formes de criminalité et alimente les situations de violences», relève ainsi Alessandro De Filippo, responsable du projet «Permanences volantes» de L’Entraide Protestante Suisse.
Des constats inquiétants sont aussi relevés en ce qui concerne la situation générale des personnes sans permis en temps de Covid-19. Perdant souvent leur travail, elles sont aussi peu couvertes par les protections sociales étatiques. Elles se voient aussi régulièrement refuser une demande d’affiliation par une assurance maladie. Dans le cas où ces personnes sont finalement affiliées, l’assurance leur inflige une sanction financière pour n’avoir pas été assuré.es dès le premier mois. «Privées de revenus, de nombreuses personnes sans autorisation de séjour n’ont plus été en mesure de s’acquitter de leur loyer. Le logement étant une question symptomatique de l’exploitation et de l’absence de protection subies par cette catégorie, la crise a largement exacerbé les abus en la matière… Le droit du bail n’est bien souvent pas respecté (menaces d’expulsion après quelques jours de non-paiement des loyers; non-établissement de baux), les loyers sont régulièrement abusifs et de nombreux logements présentent des conditions de suroccupation sévère», soulignent Sophie Mayerat et Julian Favre, qui collaborent à la Fraternité du CSP Vaud. Bref, vivre en Suisse comme sans-papiers reste définitivement une réalité «kafkaïenne», comme le décrit l’ODAE.
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