En novembre 2019, Yvan Schwab avait mis en scène, au Théâtre des Trois P’tits Tours à Morges, un spectacle intitulé Le Jour où j’ai rencontré Fellini, écrit en hommage au grand cinéaste qui avait marqué sa vie. Il en ressortait que ce qu’il avait appris de plus important dans les films de Fellini, c’est la nostalgie. Aujourd’hui directeur du Musée Alexis Forel, il a proposé à une série d’artistes d’évoquer librement ce thème de la nostalgie.
Il faut rappeler que le terme était un néologisme inventé en 1688 par le médecin suisse Hofer. A partir de deux racines grecques, nostos (retour) et algos (douleur), le mot évoque la douleur causée par la séparation, l’exil. Ce sont donc les différents aspects de ce concept que l’on va découvrir dans le beau cadre du musée morgien, un bâtiment Renaissance construit dans la deuxième moitié du XVIe siècle.
Il est impossible de présenter ici toutes les œuvres et tous les artistes concernés… Voici donc notre choix personnel, certes subjectif! Julie Chapallaz a retranscrit, dans une série de dessins en noir-blanc, le cas de très jeunes filles issues de familles modestes engagées comme domestiques, et qui poussées par la nostalgie de leur village natal et de leur famille, commirent des crimes particulièrement atroces sur les enfants dont elles avaient la charge. Par sa force, l’œuvre interpelle le spectateur! Une autre artiste, Albertine, a voulu illustrer un moment perdu à jamais, celui de l’enfance. Elle l’a illustré par un très bel ensemble de tableaux représentant toujours un personnage seul dans un paysage d’un bleu intense. Cathia Rocha, née de parents portugais, montre, dans ses dessins pleins de sensibilité, la saudade, cette nostalgie du pays natal qui habite tant d’exilés.
On ne présente plus Martial Leiter, qui a exécuté des dessins de presse pour les plus grands journaux. Par un ensemble d’images à l’encre de chine particulièrement remarquables, il a cherché à exprimer ce que ressent un voyageur en train qui voit défiler des paysages vite disparus, ce que traduit un flou volontaire dans l’exécution de ses vues de campagnes imaginaires. Anouchka Perez a réalisé une très longue broderie, qu’elle associe à la fois à l’endurance, à des gestes douloureux, et à un «passe-temps» à la fois discret et muet. Un peu comme Pénélope tissait sa toile, qu’elle défaisait chaque nuit, en attendant son cher mais peu fidèle Ulysse! Enfin Dacha Abbet, née en 1980 à Minsk, en Biélorussie soviétique, et associée au photographe suisse Boris A, montre une certaine nostalgie (comparable à la fameuse Ostalgie des habitants de l’ex-Allemagne de l’Est), qu’elle dit à la fois douce et douloureuse, ressentie envers une «civilisation soviétique», qui avait sa grisaille mais aussi ses aspects attachants, disparus après la fin de l’URSS. D’autres artistes présentent des vidéos et des installations sono.
«Nostalgies», Musée Alexis Forel, Morges, Grand-Rue 54, jusqu’au 13 mars.