Du 12 novembre 2019 au 8 novembre 2020, la sénatrice Jeanine Áñez a pris frauduleusement le pouvoir en Bolivie à la suite d’un coup d’Etat. Ceci avant que Luis Arce, le candidat du parti gouvernemental, le Mouvement vers le socialisme (MAS), ne reprenne les rênes du pays dans la continuité de son prédécesseur, Evo Morales.
Répression militarisée
Trois jours après son investiture, la cheffe illégitime du Gouvernement intérimaire signe alors un décret autorisant les militaires à utiliser la force contre tous les manifestants dans le cadre du maintien de l’ordre public tout en exonérant ces mêmes militaires de toute responsabilité pénale. «Des violations du droit à la vie et à la sécurité des personnes sont enregistrées au cours de cette période, notamment quelque 36 morts lors de manifestations, dont au moins 21 partisans du MAS, la plupart due aux forces de l’ordre, principalement à Sacaba (ville de Cochabamba) et Senkata (ville d’El Alto)», a expliqué Claude Heller, corapporteur du Comité pour l’examen de la Bolivie lors d’une récente session du Comité contre la torture du Haut-commissariat des Nations Unies pour les droits humains.
Massacre à la bolivienne
A l’occasion de cette session, une victime, Ayben Huaranca, ainsi que son avocate Nadeshda Guevara sont venus témoigner devant l’instance internationale. Lors d’une soirée au PdT, patronnée par l’association Por Bolivia me muEvo basée à Genève, le premier a pu raconter dans le détail son calvaire.
Reprenons le cours des événements. Le 19 novembre 2019, vers 11 heures, cet infirmier se rendait à son travail à la Caja Nacional de Salud à El Alto, où il œuvre au bloc opératoire situé au premier étage de l’hôpital maternel et infantile. Alors qu’il traversait la zone de Senkata bloquée par les protestations contre le nouveau gouvernement, il a vu le massacre commencer. Ce dernier est mené par des policiers et soldats. Ils ont tiré à bout portant sur des passants et des habitants, selon lui.
Sans les yeux du monde
«Il n’y avait aucune médecin sur place. J’ai alors essayé d’aider les personnes fauchées par les balles. J’ai porté des soins à près de 25 d’entre elles, 4 sont mortes dans mes bras. Je criai demandant de l’aide. On aurait dit une scène de guerre. C’est beaucoup de larmes et de tristesse de voir mourir son peuple. On nous a exécutés pour la couleur de notre peau et pour le fait de penser différemment», a-t-il expliqué dans son poignant témoignage.
«Le lendemain, on a commencé à me faire passer pour un terroriste. Des journaux ont réalisé des photomontages pour me discréditer, sans que je ne puisse rien rectifier. Quand je suis allé au local des Forces spéciales de lutte contre le crime, mon martyre a débuté. On m’a insulté, frappé, torturé, dénudé, fait sauter les dents à coups de poing. Puis ils m’ont envoyé pendant six mois dans la prison de San Pedro de La Paz, où l’on m’a aussi roué de coups.»
Parmi les policiers, un ancien boxeur professionnel l’a utilisé comme punching-ball. On lui a aussi refusé de la nourriture et de l’eau trois jours durant, sans pouvoir joindre sa famille. L’homme explique encore être venu à Genève pour demander justice pour lui et tous les autres. En février 2020, il affirme que ses trois enfants ont été séquestrés par des agents pour l’amener à donner des informations.
Tortures
Plus de 180 personnes ont été torturées sous le gouvernement de Jeanine Áñez et sur ordre d’Arturo Murillo, ancien Ministre de l’intérieur, souligne Nadeshda Guevara, avocate des victimes et défenseure des droits humains. «En Bolivie et en Amérique latine, se déroulent continûment des attaques systématiques contre le peuple, lorsqu’il veut définir son avenir en toute souveraineté. Elles proviennent des bourgeoisies nationales liées aux intérêts impérialistes. En Bolivie, elles ont lancé un discours de haine, ne supportant pas que les indigènes assument le devenir du pays, tout en questionnant leur pouvoir économique. Que serait-il finalement advenu de nous sans le soutien internationaliste et l’appui des Boliviens de l’étranger?», s’interroge l’avocate. Elle indique qu’il est ainsi urgent de démanteler les groupes paramilitaires, qui continuent d’agir en Bolivie, suscitant la peur parmi la population.