Issus de l’actualité, deux événements récents ont retenu mon attention: d’une part la Session des femmes, les 29 et 30 octobre à Berne, qui s’est déroulée dans la sérénité et l’écoute, ses 23 revendications concernant l’égalité, le bien-être, le développement durable, l’aménagement du territoire respectueux des personnes; d’autre part les débuts de la COP26, qui se tient à Glasgow du 1 au 12 novembre, ses alignées d’hommes et son manque d’engagement. Cela a suscité en moi un certain nombre de réflexions.
Les hommes détiennent tous les pouvoirs depuis des millénaires. Ce sont donc eux qui ont mené le monde à la catastrophe écologique que nous connaissons. Bien qu’avertis des dangers de la surconsommation et de la pollution qu’elle génère depuis 1950, par le Club de Rome, et surtout depuis le premier rapport du GIEC en 1990, les dirigeants n’ont rien fait. Lors de son discours devant l’assemblée plénière du 4e Sommet de la Terre, le 2 septembre 2002 à Johannesburg, en Afrique du Sud, Chirac avait justement constaté : « La maison brûle mais nous regardons ailleurs ». Pourtant, il n’a quasiment rien entrepris en faveur du climat, à part, en collaboration avec le Premier ministre britannique d’alors, Tony Blair, de taxer les billets d’avion pour financer l’aide au développement. Si, en 1990, les gouvernements du monde entier avaient empoigné le problème, interdit les énergies fossiles et investi dans les renouvelables, nous n’en serions pas là, il n’y aurait pas de changements climatiques, avec leurs graves conséquences (inondations, sécheresses, feux géants, dômes de chaleur, multiplication des tornades, etc.), les espèces, dont la nôtre, la plus fragile, ne seraient pas menacées. Mais les chefs d’État manquent de courage, ils n’osent pas affronter les lobbys (30 groupes représentant les énergies fossiles font partie de la COP26 !). Ils pensent à leur réélection, à 4-5 ans, au lieu de penser à long terme. Et la Terre continue de se réchauffer…
Et de subir des dictateurs puissants et dangereux pour son équilibre, comme Xi Xinping et Poutine, la folie de ceux qui prétendent rivaliser avec plus grands qu’eux en multipliant les provocations et les essais nucléaires, comme Kim Jong-un et les enrubannés iraniens, les fous qui nient les dangers, comme Trump et Bolsonaro, les criminels qui jouent avec la vie des gens, notamment des migrants, que sont Erdogan en Turquie, Loukachenko en Biélorussie, Duda en Pologne, Orban en Hongrie. Loukachenko, pour se venger des mesures de rétorsion européennes, joue avec les migrants comme s’ils étaient des billes de flipper. Mais il s’agit d’hommes, de femmes, d’enfants, de femmes enceintes… alors que le pays a restreint le droit à l’avortement, au nom du respect de la vie !
Le monde est à ce point déséquilibré parce qu’il est essentiellement dirigé par des hommes. Qui veulent se montrer le plus fort, bref avoir la plus grosse et se comporter en mâle alpha. Les femmes, elles, visent l’efficacité. Durant la crise monétaire de 2008, les entreprises qui s’en sont sorties le mieux étaient celles dont le conseil d’administration comportait au moins 40% de femmes.
Les femmes sont plus courageuses que les hommes. J’ai une explication à ce sujet. Si une femme tombe enceinte, elle ne peut pas éviter le problème, alors que l’homme peut fuir. Je pense que si une majorité de femmes étaient en charge des affaires, il serait possible de sauver l’humanité, parce qu’elles auraient le courage de prendre les décisions nécessaires. C’est une femme, Angela Merkel, qui a accueilli 1,5 million de réfugiés entre 2014 et 2015, et qui a ainsi sauvé l’honneur de l’UE et de l’humanité. C’est une femme, Greta Thunberg, qui est le porte-drapeau d’une jeunesse prioritairement concernée par les changements climatiques. Parmi les foules qui défilent partout dans le monde, on repère une majorité de filles et de femmes.
Tous les dictateurs sont des hommes. 95% des prédateurs sont des hommes. 95% des détenu.es sont des hommes. Ce sont des hommes qui utilisent le viol comme arme de guerre.
C’est une poignée d’hommes qui ont lancé des fake news sur les réseaux sociaux, et provoqué un lavage de cerveau chez une quantité de gens, qui sont devenus antivaccins et finissent par croire que la Terre est plate ! Dans le monde économique aussi, ce sont les hommes qui tiennent les rênes. Qui tolèrent des situations d’esclavage ou le travail des enfants pour que leurs produits soient moins chers, qui détruisent des paysages pour leurs mines, ravagent les forêts, mènent des politiques de mort. On a vu à quels excès mène une société entièrement constituée d’hommes, de la base au sommet de la hiérarchie, comme l’Église catholique…
Un autre danger vient des GAFAM, acronyme des 5 géants du WEB (Google, Facebook, Amazon, Microsoft), qui dominent le marché du numérique. Ils deviennent si riches et si puissants qu’ils dépassent le PIB de nombreux pays et imposent leurs lois, sans payer les impôts qu’ils devraient, ce qui contribue encore plus au déséquilibre entre riches et pauvres. Les impôts impayés, notamment à cause des paradis fiscaux, représentent des sommes colossales qui manquent aux pays pour construire des écoles, des hôpitaux, des infrastructures, pour établir des systèmes sociaux où plus personne ne connaîtrait la pauvreté ou la misère.
Au lieu de cela, on assiste à un concours de philanthropie entre milliardaires. En 2004, Bill Gates promettait de donner la moitié de sa fortune (50 milliards de $) à des œuvres de charité. Jeff Bezos (177 mds $) donne 2 milliards à l’Afrique pour sauver 42 millions de vies de la crise alimentaire. Elon Musk (151 mds $), fondateur de Tesla et SpaceX (1e organisation privée à envoyer des astronautes dans l’espace), veut produire des énergies durables et établir une colonie humaine sur Mars ! Cependant, Elon Musk ne paie que 3,27% d’impôts, alors que l’Américain moyen en paie 19%.
Le monde ne sera pas sauvé si on le laisse aux mains de mâles dominants à l’ego surdimensionné. Les femmes donnent la vie, la respectent et la défendent. Avec courage, elles se battent pour nourrir leur famille, assument la corvée de l’eau, pansent les blessures des blessés de guerre. Si les femmes détenaient le pouvoir, elles veilleraient à ce que toutes les décisions soient en faveur de la vie et des personnes.
Françoise d’Eaubonne clôt son livre Le Féminisme ou la mort ainsi: « Et la planète mise au féminin reverdirait pour tous.