Climat et système à l’épreuve du feu

Cop 26 • Bien que la planète soit à l’agonie, les remèdes sont insuffisants. La communauté internationale tente à nouveau, cette fois à Glasgow, en Ecosse, de lancer une thérapie. Malheureusement, presque inoffensif par rapport au diagnostic. (par Sergio Ferrari)

La société civile veut autre chose que des promesses et exige de «changer le système». (Extinction Rebellion UK)

Une grande partie du monde scientifique et du mouvement environnemental considère cet effort comme la dernière chance de ralentir l’augmentation déjà irréversible de la température de la terre. La conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP 26), organisée cette fois par le Royaume-Uni en collaboration avec l’Italie, débute le dimanche 31 octobre et se poursuit jusqu’au 12 novembre.

L’ABC de Glasgow

La conférence des parties – d’où l’acronyme COP – à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques est une réunion annuelle au cours de laquelle des représentants gouvernementaux de haut niveau discutent et négocient d’éventuelles propositions visant à réduire le réchauffement de la planète.

Selon les organisateurs, cette 26e session réunira des délégués de presque tous les pays qui composent le système des Nations unies, dont une centaine de chefs d’Etat et de gouvernement. Egalement des experts en environnement, des chefs d’entreprise, des représentants d’organisations non gouvernementales (ONG) et de la société civile en général.(1 )Tout laisse à penser qu’il s’agira d’un sommet particulièrement transcendant, étant donné que, malgré les six années qui se sont écoulées depuis l’adoption de l’accord de Paris lors de la COP21, les efforts mis en œuvre jusqu’à présent pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius ont été insuffisants. (2)

Pour le monde scientifique, ce chiffre – 1,5 degré Celsius – constitue le seuil ou point de basculement, au-delà duquel le changement climatique pourrait avoir des effets dramatiquement irréversibles sur l’homme et la nature. Les récents incendies, vagues de chaleur, inondations et autres catastrophes naturelles de plus en plus intenses appellent une action climatique urgente et concertée.

Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), daté du 9 août de cette année, est convaincant. Il indique que «bon nombre des changements climatiques observés sont sans précédent sur des milliers, voire des centaines de milliers d’années, et certains des changements qui se produisent déjà, comme l’élévation continue du niveau de la mer, pourraient ne pas s’inverser avant des siècles ou des millénaires.».(3)

Le rapport fournit de nouvelles estimations de la probabilité de dépasser un niveau de réchauffement planétaire de 1,5°C dans les décennies à venir, et conclut qu’à moins de réduire les émissions de gaz à effet de serre immédiatement, rapidement et à grande échelle, «limiter le réchauffement à environ 1,5°C ou même 2°C sera un objectif inatteignable».

Un autre point clé de l’ordre du jour de la COP26 à Glasgow sera le financement du climat, c’est-à-dire l’aide que les pays industrialisés se sont engagés à fournir à ceux qui sont les plus touchés par le réchauffement de la planète, presque toujours les pays en développement. On est encore loin des 100 milliards de dollars par an annoncés en 2009 lors de la conférence de Copenhague sur le changement climatique au Danemark pour financer des projets de réduction des émissions et d’adaptation au climat dans les régions pauvres en ressources.

L’Accord de Paris comme miroir

Est-il possible qu’une éventuelle «thérapie» émergeant de la conférence de Glasgow permette de rattraper le temps perdu dans la lutte contre le réchauffement climatique, ou sera-t-elle un simple miroir, regardant Paris 21, mais n’allant pas au-delà, avec des propositions consensuelles et des promesses qui ne répondent pas à l’agonie?

L’objectif principal de l’Accord de Paris du 12 décembre 2015 établit que l’augmentation de la température de la terre au cours de ce siècle ne doit pas dépasser 2 degrés Celsius – toujours par rapport aux niveaux préindustriels. Elle a même proposé que les efforts mondiaux soient redoublés pour tenter de limiter l’augmentation à un maximum de 1,5 degré Celsius.

Cet objectif comprend la nécessité pour chaque pays de faire un grand pas en avant dans la lutte contre les effets du changement climatique, de limiter considérablement les émissions de gaz à effet de serre (GES) et d’assurer le financement nécessaire pour y parvenir. En outre, il prévoit des rapports réguliers sur leurs niveaux d’émission respectifs et leurs efforts pour mettre en œuvre ce qui a été convenu. Ainsi qu’un bilan mondial commun tous les cinq ans pour évaluer les progrès collectifs réalisés dans le respect de ces engagements.
Compte tenu de tout cela, l’accord conclu à Paris prévoit que les pays développés continuent d’assumer la responsabilité première en fixant des objectifs de réduction absolus à l’échelle de l’économie, tandis que les pays en développement continuent d’intensifier leurs efforts d’atténuation.

Il a été ouvert à la signature le 22 avril 2016 – Journée de la Terre – au siège des Nations unies à New York. Des mois plus tard, le 4 novembre 2016, il est entré en vigueur, trente jours après que la «double norme» ait été respectée, à savoir la ratification par 55 pays représentant au moins 55% des émissions mondiales. Il a depuis été signé par 192 pays.

A en juger par les résultats obtenus, ni l’accord de Paris ni les efforts ultérieurs n’ont donné les résultats escomptés. Les analyses rétrospectives suggèrent que, même si les promesses faites à Paris en 2015-2016 avaient été respectées, cela n’aurait permis de limiter l’augmentation de la température qu’à moins de 4°C, bien loin de l’augmentation maximale de 1,5 degré tant proclamée. En d’autres termes, les engagements pris par les Etats à cette époque étaient déjà insuffisants pour atteindre les objectifs fixés.

Selon Alok Sharma, président entrant de la COP26, «il y a eu des progrès, mais pas assez. C’est pourquoi nous avons particulièrement besoin que les plus grands émetteurs, les pays du G20, prennent des engagements plus fermes d’ici à 2030 si nous voulons maintenir l’objectif de 1,5°C au cours de cette décennie critique».

Des promesses (presque) impossibles

Les engagements les plus récents de plusieurs pays en matière de climat d’ici à 2030 «ne sont pas assez ambitieux et mettent le monde sur la voie d’une augmentation de la température d’au moins 2,7°C au cours de ce siècle», indique le dernier rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) sur le déficit d’émissions, publié le 26 octobre.

Les annonces nationales faites jusqu’à présent ne permettraient qu’une très faible réduction: seulement 7,5% des émissions prévues d’ici 2030. (4) «Pour rester sur la voie de l’objectif des 2°C, des réductions d’émissions de 30% doivent être assurées». Pour atteindre l’objectif de 1,5%, des réductions de l’ordre de 55% seraient nécessaires. Une fois encore, à l’approche de la COP26, les engagements des parties ne correspondent pas aux objectifs convenus. Cela répète la longue histoire des réponses tièdes pour sauver une planète en feu.

En présentant le rapport du PNUE, sorte de cadre conceptuel du sommet de Glasgow, Inger Aderson, directrice du PNUE, a rappelé que «le changement climatique n’est plus un problème d’avenir. C’est un problème actuel». Le PNUE insiste sur le fait que nous ne disposons que de huit ans pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C en réduisant de près de moitié les émissions de gaz à effet de serre. Moins d’une décennie pour élaborer des plans, mettre en œuvre des politiques et enfin obtenir des résultats tangibles.

«L’horloge tourne vite», souligne l’organisme international.

Au 30 septembre, 120 pays, responsables d’un peu plus de la moitié des émissions mondiales de gaz à effet de serre, avaient communiqué de nouveaux objectifs actualisés. En outre, trois membres du G20 (les 20 nations les plus développées) ont annoncé de nouveaux engagements en matière d’atténuation pour 2030. Dans son évaluation du rapport du 26 octobre, Alok Sharma, a estimé que, si les pays atteignent leurs objectifs pour 2030 et les promesses d’émissions nulles annoncées, «nous nous dirigerons vers une augmentation moyenne de la température mondiale légèrement supérieure à 2°C».

Deux visions contradictoires

Le sommet de Glasgow est autant un labyrinthe qu’un carrefour pour le climat planétaire. Et avec encore beaucoup plus de sophismes, construits sur des promesses que la grande majorité des nations savent qu’elles ne seront pas en mesure de tenir.
La COP26 a également révélé le choc de deux conceptions contradictoires. La vision d’un «institutionnalisme» de type onusien, avec des propositions à moyen et long terme, alors que le monde scientifique diagnostique depuis des années l’extrême gravité de la maladie. Et, en face, la vision d’une grande partie de la société civile mondiale – mouvements environnementaux, ONG de développement, syndicats, réseaux et plateformes – qui se mobilisera de manière critique dans les rues de Glasgow pendant la COP26. Celle-ci insiste sur «l’urgence climatique» comme clé d’interprétation d’une société humaine en course accélérée vers sa propre disparition.

Il n’est donc pas surprenant que l’un des principaux slogans communs aux millions de jeunes mobilisés ces dernières années autour de la «grève du climat» le décrive avec éloquence: «Ce n’est pas le climat qu’il faut changer, mais le système».

Sergio Ferrari
1. www.nfccc.int/es/process-and-meetings/conferences/conferencia-sobre-el-cambio-climatico-en-glasgow
2. www.unfccc.int/files/essential_background/convention/application/pdf/spanish_paris_agreement.pdf
3. www.ipcc.ch/report/ar6/wg1
4. www.unep.org/es/resources/emissions-gap-report-2021

 

Quelques maigres mesures

Lors des premiers jours de la Cop-26, les Etats du Nord ont une nouvelle fois assuré qu’ils verseront les 100 milliards annuels prévus pour le Fonds climat afin que les pays du Sud puissent s’adapter aux changements climatiques. Mais cette somme ne sera pleinement entièrement garantie qu’en 2023. Dans le même temps, 105 Etats ont annoncé vouloir agir sur l’émission de gaz méthane et d’abaisser en 2030, de 30% les émissions mondiales de méthane (émis par l’agriculture et l’élevage)… par rapport aux niveaux de 2020. Un autre engagement a été pris contre la déforestation. Une centaine de pays se sont engagés à inverser la perte de forêts et la dégradation des terres d’ici 2030. Pour Greenpeace, l’objectif de 2030 reste trop lointain et donne le feu vert à «une décennie supplémentaire de déforestation». L’Inde du très nationaliste premier ministre Narendra Modi a promis, quant à elle , d’atteindre zéro émission nette d’ici 2070. Promesses, promesses.

Réd.