Pour les étudiant.es venant des familles les moins fortunées, se nourrir correctement tous les midis représente une charge importante. C’est la raison pour laquelle Conférence Universitaire des Associations d’EtudiantEs (CUAE) organisait mardi dernier pour la seconde fois, une «bouffe pop’» à prix libre pour revendiquer l’existence de repas à 3 francs dans les cafétérias.
Abandon de l’Etat
Ce prix, dont la CUAE avait obtenu l’application dès mai dernier sur fond de crise sanitaire, n’a plus cours depuis la rentrée. Actuellement, dans la cafétéria du bâtiment d’Uni Mail, gérée par l’entreprise Novae Restauration, les personnes en formation doivent débourser entre 6,50.- pour un «menu étudiant» et 13.50.- pour un plat de viande ou de poisson. A raison de cinq repas hebdomadaires, se nourrir à midi coûte donc au minimum 130.- par mois.
«Que s’est-il donc passé? Est-ce que vous êtes devenu.es milliardaires, vous? Est-ce que la crise du COVID est finie? Est-ce que le rythme académique s’est ralenti? Non, rien n’a changé et les repas à 3.- sont toujours aussi indispensables. L’université et l’Etat ont tout simplement refusé de continuer à les financer», avait lancé une secrétaire de la CUAE, lors de la première édition des «bouffes pop’», précisant que durant l’année académique précédente, les repas avaient été financés par des fondations privées, qui ont refusé de poursuivre leur effort en ce sens.
Un Parlement favorable
«En juin, le parti socialiste, en bon opportuniste, a déposé une motion au Grand Conseil pour prolonger les repas à 3.- pour l’année académique 2021-2022. Cette motion a été acceptée. Le parlement genevois est donc en faveur des repas à 3.- à l’Université. Sauf que le gouvernement n’est pas obligé de suivre les recommandations de son parlement», avait-elle expliqué.
Malgré les revendications étudiantes, l’approbation du Parlement, les tentatives de négociations du rectorat, le Conseil d’Etat a rejeté la mesure. «C’est Anne Emery-Torracinta, la conseillère d’Etat socialiste en charge du DIP qui a refusé d’entrer en matière. On l’avait invitée à manger aujourd’hui et à nous expliquer son refus, mais malheureusement je ne la vois pas, je crois qu’elle n’est pas venue…», ajoutait une secrétaire de la CUAE, lors de ce premier repas collectif, où près de 200 personnes ont été servies.
Selon la CUAE, le rectorat aurait «très molle- ment» représenté les intérêts de la communauté étudiante auprès du Conseil d’Etat face à l’argumentaire de la Conseillère socialiste selon laquelle il ne serait pas juste de financer toutes les étudiant.es car beaucoup n’auraient pas besoin de ces repas à 3.- l’unité. «On sait très bien que le jour où les repas (à ce prix) seront revenus et qu’il y aura une énorme file d’attente dans les couloirs de l’université, les riches étudiant.es utiliseront leur capital économique pour aller se payer un tacos à 15 balles et économiser du temps», rétorque la faîtière. Pour elle, l’argument de Mme Emery-Torracinta n’a pour but que de diviser les étudiant.es.
Un combat plus large
Pour la CUAE, le prix des repas ne représente qu’un potentiel petit pas en direction de l’égalité des chances «tant prônée par le rectorat». «Là où les parents pleins de thune subventionnent les taxes universitaires, l’appartement et les repas de leurs progénitures, les autres devront souvent conjuguer études, job précaire et parfois vie de famille pour avoir suffisamment de sous pour sur- vivre», lance-t-elle.
Elle souligne que lors de cette rentrée, ce sont 1200 étudiant.es qui se sont inscrit.es à la Farce, une association estudiantine dont les bénévoles distribuent gratuitement de la nourriture. Le hic, «dont personne dans les bureaux de l’uni ne veut tirer la conséquence», c’est que l’association n’a qu’une capacité de 330 places hebdomadaires et que 3 personnes sur 4 se retrouveraient à devoir attendre la semaine suivante.
Ces constats amènent la faîtière à demander que le modèle économique de leurs cafétérias soit repensé. «Si aujourd’hui on refuse de rendre la bouffe… accessible à tout le monde, c’est parce que les cafétérias n’ont jamais été pensées pour nous mais pour les entreprises privées qui y font de très bonnes affaires avec l’argent qui sort de nos poches. Si on veut voir perdurer des repas à 3.- et imaginer des cafétérias réellement inclusives, faites pour nous toutes et tous, étudiant.es ou pas, il va falloir dégager ce modèle capitaliste et mettre en place quelque chose de radicalement différent. On propose donc de virer ces profiteurs et de nous laisser autogérer nos “cafs”, afin d’y créer des jobs étudiants et que les politiques alimentaires qui s’y appliquent soient entre nos mains», conclut la CUAE.
Pour elle, un tel modèle devrait être financé de manière pérenne par l’Université. Et ceci suffisamment pour que puissent s’appliquer des prix libres, des conditions permettant une sortie partielle «des logiques capitalistes qui excluent aujourd’hui beaucoup trop de personnes».
Une nouvelle «bouffe pop’» est d’ores et déjà agendée pour le mardi 2 novembre à 10h30 devant Uni Mail. Pour cette troisième édition à venir, la faîtière étudiante promet une «grosse surprise».