Leur objectif: La levée des brevets sur les vaccins anti-covid pour en permettre une production gratuite pour le monde. Elle permettrait de faciliter la distribution de vaccins et de réduire son prix. Représentant de la CGT Sanofi, Thierry Bodin qui participait à une conférence, nous explique les enjeux de la mobilisation. Par ailleurs, sur le plan suisse le 3 juin dernier, le conseiller national du POP Denis de la Reussille interpellait le gouvernement sur une suspension aux ADPIC pour les vaccins contre le Covid-19. Il posait notamment cette question: «Le Conseil fédéral peut-il nous expliquer en quoi faire preuve de générosité et de solidarité en période de pandémie pourrait être un frein à l’innovation?»
Les buts de votre protestation devant l’OMC?
Thierry Bodin Il est hors de question que les différents types de vaccins anti-covid, qu’ils soient à ARN message (Pfizer, Moderna), plus classiques tel celui d’Astra Zeneca ou demain de Sanofi soient des sources d’enrichissement pour les laboratoires. Ceci au détriment de la santé publique mondiale.
Tant au niveau du prix que du volume de production, les conditions de diffusion et de commercialisation relatives à ces vaccins sont inacceptables. Elles entraînent une absence de réponse vaccinale sur des continents comme l’Afrique, où les personnes continuent à décéder massivement.
Parlez-nous des positions de la France et de L’Union européenne alors que le président américain est partisan d’une levée, mais temporaire, des brevets?
Le 2 octobre 2020, l’Afrique du Sud et l’Inde ont demandé la levée des brevets à l’OMC. Or l’Europe et les grands pays producteurs comme la France, l’Allemagne ou la Suisse refusent cette proposition. Il faut donc instaurer un rapport de force, une mobilisation de la population pour conduire à cette levée des droits sur les brevets. Voilà pourquoi nous avons organisé cette journée devant l’OMC, au moment où le Conseil des ADPIC (Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) se réunit pour poursuivre l’examen de la proposition de dérogation temporaire sur les vaccins. Cela à la demande de l’Inde et de l’Afrique du Sud, Etats soutenus par les délégations du Kenya, Venezuela, Groupe Africain, Groupe des pays les moins avancés, Maldives, Indonésie ou Jordanie. Plus on tarde, plus la population meurt.
Les grandes entreprises disent que leurs investissements dans le vaccin interdisent cette levée du droit des brevets. Votre avis?
Il s’agit d’un argument fallacieux. Dans le cas des techniques à l’ARN messager, de nombreuses recherches publiques ont été déployées en amont. Beaucoup d’argent public a aussi été versé aux laboratoires pour développer leurs recherches. On parle ainsi de 483 millions de dollars octroyés à Moderna par les Etats-Unis. On sait pertinemment qu’avec son vaccin, une entreprise comme Pfizer fera plus de 50 milliards d’euros de bénéfice ces 2-3 prochaines années avec son produit. Les montants des contrats passés avec l’UE ou la France sont aussi secrets.
Toute transparence des coûts est couverte par le secret des affaires, comme on l’a vu précédemment dans la production d’un médicament contre l’hépatite C par le laboratoire Gilead. Ce secteur, à l’instar de l’armement ou du pétrole, est celui qui fait le plus de bénéfice. Le maintien des droits sur les brevets relève d’une mise en danger de la vie d’autrui. Il faut constater que si le laboratoire français Sanofi a accepté finalement de produire des vaccins pour les autres compagnies, c’est dû à la pression médiatique et au fait que cette compagnie a une peur bleue de la levée des droits sur les brevets.
D’autres médicaments, notamment des traitements anti-cancéreux sont hors de prix, devraient-ils aussi faire l’objet d’une levée des droits de brevet?
Nous soulevons cette question depuis longtemps au sein de la CGT. Nous sommes pour un pôle public de la santé, en ce qui concerne l’infrastructure hospitalière, la production de médicaments ou de produits utiles d’un point de vue thérapeutique comme des masques ou les machines de ventilation. La recherche du profit maximum de la part de l’industrie pharmaceutique va à l’encontre de la Constitution, de l’éthique ou de l’esprit humaniste.
Que ferez-vous si l’OMC refuse la possibilité d’une levée des brevets sur les vaccins anti-Covid?
Si l’industrie pharmaceutique ne répond plus aux besoins des peuples comme cela a été dénoncé en son temps dans le Procès de Prétoria sur les traitements anti-VIH, il faut accroître la pression populaire et médiatique pour changer les règles. n