Au milieu de l’été, nous avons été terrorisé.es par les conclusions du dernier rapport du GIEC annonçant l’Apocalypse si nous ne changions pas immédiatement notre façon de vivre. Créé en 1988 à la demande du G7, leGIEC (Groupe d’experts intergouvernemental pour l’évolution du climat)a pour mission d’évaluer les informations scientifiques, techniques et socio-économiques disponibles, de façon neutre et objective en rapport avec la question du changement du climat. Il est chapeauté par deux instances de l’ONU: l’Organisation météorologique mondiale (OMM/WMO) et le Programme des Nations Unies sur l’Environnement (PNUE), son siège est à Genève. Le GIEC a déjà publié 4 rapports d’évaluation: en 1990, qui a débouché sur la signature au sommet de Rio 92; en 1995, qui a abouti à l’adoption du protocole de Kyoto deux ans plus tard; en 2001, au moment où le président George Bush a décidé de ne pas ratifier Kyoto; en 2014; enfin, en août 2021, à partir de plus de 14’000 études scientifiques. Ce rapport est un «code rouge» pour l’humanité. Le changement climatique est sans précédent et plus rapide que ce que l’on craignait. Chaque 0,5°C additionnel cause, de manière visible, une intensification et une augmentation de la fréquence des extrêmes chaleurs, des fortes précipitations comme des sécheresses. Si nous dépassons 2°C de réchauffement, nous risquons de franchir le point de basculement.
Vu le développement continuel der nos activités industrielles et la diffusion du modèle de consommation occidental partout dans le monde, le scénario le plus communément envisagé pour 2100 est que la concentration en CO2 aura doublé par rapport à l’ère préindustrielle. La température de la Terre s’élèvera alors de 3°C en moyenne, un scénario catastrophe. L’espoir n’est pas tout à fait perdu, mais la fenêtre de tir est mince, on ne peut plus se permettre d’attendre. Or les lois sur le climat que proposent les différents gouvernements ne remplissent pas les objectifs en matière de réduction des gaz à effet de serre et ne suffiront pas à freiner les changements climatiques. Il est vital que les gouvernements s’alignent sur un objectif à 1,5° et revoient leurs plans en conséquence, notamment à l’occasion de la COP26, qui se tiendra à Glasgow du 1 au 12 novembre 21.
Enfin! Greta est de retour! La pandémie et ses conséquences avaient mis sa voix en sourdine, on ne parlait plus d’elle, ni de la mobilisation des jeunes en faveur du climat. Le monde entier, tétanisé, s’est confiné, le temps a été suspendu, les restaurants ont été fermés, ainsi que les cinémas, théâtres, musées, tous les lieux de convivialité et de culture. Grâce à la découverte de vaccins contre le Covid, on a pu vacciner à tour de bras, en commençant par les plus vulnérables, puis les autres. On a pu sortir à nouveau, en portant un masque, ou en ayant sur soi une attestation de vaccination ou de test négatif. Il y a des manifestations contre ces mesures, certain.es n’ayant visiblement pas compris qu’il s’agit d’une question de santé publique et que nous n’éradiquerons ce virus mutant que si 90% de la population mondiale est vaccinée. Ce qui devrait convaincre ces réfractaires, c’est que 90% des personnes traitées actuellement contre le Covid dans les hôpitaux n’ont pas été vaccinées.
Greta est de retour. Son ton est inchangé, le doigt toujours pointé: «Adultes, vous n’écoutez pas! Au moins 70% de l’effort climatique repose sur l’action des Etats et des entreprises. Nous pouvons jouer un rôle de contre-pouvoir,afin d’exiger que les responsables politiques et économiques prennent des mesures rapides et drastiques face à l’urgence climatique. Des jeunes comme nous tirent la sonnette d’alarme depuis des années. Vous n’avez tout simplement pas écouté.» Elle ajoute: «C’est nous qui devons nettoyer le gâchis que vous, les adultes, avez fait. Mais nous pouvons corriger la trajectoire actuelle, unissons nos forces et agissons ensemble!» «Pour les enfants et les jeunes, le changement climatique est la plus grande menace qui pèse sur notre avenir. Le but fondamental des adultes dans toute société est de protéger leurs enfants et de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour laisser derrière eux un monde meilleur que celui dont ils ont hérité.»
Une initiative du mouvement «Friday For Future» (14 millions de personnes de 7500 villes sur tous les continents), lancé par Greta, a appelé à une grève du climat internationale les 25 et 26 septembre 2021 pour réclamer de nouvelles mesures contre les dérèglements climatiques. La jeune Suédoise a manifesté à Berlin, pour faire pression sur les candidat.es à la succession de la chancelière Angela Merkel, avant les élections législatives allemandes. A un mois de laCOP26, les jeunes veulent être entendus par les dirigeants mondiaux. «A maintes reprises, les dirigeants d’aujourd’hui ont montré qu’ils ne se soucient pas de l’avenir – du moins, ils n’en ont pas l’air. Ils disent qu’ils nous écoutent, nous les jeunes, mais en réalité ils ne le font absolument pas», a ainsi déclaré Greta Thunberg en visioconférence à la télévision japonaise,le 21 septembre dernier.
En Suisse, les militant.es de plusieurs villes ont répondu à l’appel mondial à la grève climatique. À Zurich, ils étaient 4000 à défiler dans les rues, selon les organisateurs, ils ont observé une minute de silence pour les victimes de la crise climatique. À Genève, une grande fresque représentant une mappemonde a été peinte sur le sol de la place Bel-Air, indiquant les zones qui pourraient devenir inhabitables. Genève abrite certains des pires responsables de la crise: les grandes banques et les entreprises de négoce de matières premières. La Grève du climat suisse a déjà annoncé sa participation à la prochaine grève internationale, le 22 octobre.
Greta est de retour, enfin. La crise du Covid, aussi terrible soit-elle, n’a pas étouffé le problème des dérèglements climatiques. Greta nous sert d’aiguillon, elle nous rappelle, avec son air sage, sa pancarte, ses phrases incisives, qu’il y a urgence, qu’il faut changer le monde, son fonctionnement mortifère, mettre l’économie au service de l’humain. Selon Jacques Attali, dans L’Economie de la vie (Fayard 2020), pour garantir la survie de l’humanité, il faut faire naître une nouvelle économie, regroupant les secteurs qui se donnent pour mission la défense de la vie: la santé, la gestion des déchets, la distribution d’eau, le sport, l’alimentation, l’agriculture, l’éducation, l’énergie propre, le numérique, le logement, la culture, l’assurance…
Mettons-nous au travail, tout de suite, pour sauver ce qui peut l’être. Merci, Greta.