Le racisme blesse et tue chaque jour. Comme pour le légitimer, les rues, les espaces publics portent encore les noms de colons et instigateurs du racisme institutionnel et pseudo-scientifique. Parmi eux, Louis Agassiz, raciste notoire et glaciologue toujours reconnu en Suisse. Une rue à son nom n’a pas sa place dans une ville cosmopolite et ouverte sur le monde comme La Chaux-de-Fonds.
Le glaciologue étasunien d’origine fribourgeoise, Louis Agassiz, fait partie des pseudo-scientifiques qui ont affirmé qu’il existe des races, par nature hiérarchisées. Connu pour ses expertises en glaciologie ou en ichtyologie, il fut envoyé faire des recherches aux États-Unis. Là, il qualifie la «race noire» de «corrompue et dégénérée» et s’exclame «Quel malheur pour la race blanche que d’avoir dans de nombreux pays lié si étroitement son existence à la race nègre ! Dieu nous préserve de tels contacts !» (1). Il participe ainsi à l’élaboration de théories racistes dans un pays où le système esclavagiste génèrera parmi les plus grands crimes que l’humanité ait connus.
Les soutiens de l’honneur de la mémoire d’Agassiz affirment qu’il faut tenir compte du contexte historique de ses études. C’est nier les oppositions et les luttes qui existaient à l’époque contre le racisme. Pourquoi les thèses de l’anthropologue Joseph-Anténor Firmin, publiées en 1885 dans l’ouvrage De l’Égalité des Races Humaines (2), ou l’existence d’un mouvement antiesclavagiste étasunien contemporain d’Agassiz ne sont alors pas évoquées comme éléments de contexte ? Agassiz et son racisme n’étaient-ils le contexte que d’eux-mêmes et de leurs amis esclavagistes, fascinés par les profits inhumains du commerce triangulaire et des plantations coloniales américaines ? Par ailleurs, à qui affirme que plutôt que de renommer les rues d’hier, mieux vaut lutter contre les injustices d’aujourd’hui, il faut répondre que l’un n’empêche pas l’autre. En effet, le combat contre l’injustice est complémentaire de celui qui est à mener contre ses symboles.Pas contradictoire.
En 2018, l’Espace Louis Agassiz à Neuchâtel est renommé Espace Tylo-Frey. Les États-Unis ont préféré de leur côté garder le nom du glacier Louis Agassiz, situé en Alaska où les indigènes ont été dépossédés de leurs terres et souffrent encore d’exclusion et de situations socioéconomiques catastrophiques. Non moins cynique, la France garde de son côté un glacier Agassiz dans sa colonie australe des Kerguelen. En Suisse, Guttannen (BE), Grindelwald (BE) et Fieschertal (VS) ont conjointement décidé de garder le nom du glacier Agassiz. De même, le Club Alpin garde Louis Agassiz comme membre honoraire depuis 1865, malgré les changements de contexte historique. Dernière constatation, mais pas des moindres, une rue porte encore le nom de Louis Agassiz à La Chaux-de-Fonds.
Le patrimoine urbain, ses rues et son urbanisme doivent refléter la société égalitaire à laquelle nous aspirons. Les plaques de rues se référant à des personnalités racistes, esclavagistes ou colonisatrices doivent être placées dans des musées. Des plaques explicatives doivent être apposées en leurs lieux et places, ainsi que sur les lieux financés par les fortunes de l’esclavage. Les voies ou places débaptisées devront ainsi prendre de nouveaux noms. À quand une rue Jenny Humbert-Droz, une rue Renty – esclave dont Agassiz a volé la photo pour se rendre célèbre – ou une rue Rosa Parks à La Chaux-de-Fonds ?
EM
(1) Hans Faessler, Une Suisse esclavagiste – Un pays au dessus de tout soupçon, ed. Duboiris, 2007
(2) Joseph-Anténor Firmin,De l’Égalité des Races Humaines, 1885, http://classiques.uqac.ca/classiques/firmin_antenor/de_egalite_races_humaines/de_egalite_races_humaines.html
Pétition à signer:
https://www.change.org/p/conseil-communal-de-la-chaux-de-fonds-renommons-la-rue-louis-agassiz-pour-ne-plus-comm%C3%A9morer-un-raciste?utm_content=cl_sharecopy_30276992_en-US%3A4&recruiter=653927444&utm_source=share_petition&utm_medium=copylink&utm_campaign=share_petition