Le dossier dit de la «géotopographie» risque de faire couler encore beaucoup d’encre dans la République et canton de Neuchâtel. Pour rappel, déposée en 2020, une initiative populaire demandait la redistribution du 90% de l’argent fédéral capté par le canton aux communes, afin de couvrir leurs charges d’altitude. A l’instar de ce que pratiquent les autres cantons, cette redistribution devrait permettre de limiter les disparités régionales, qui n’ont eu de cesse de s’accroître ces dernières décennies.
Or, refusant cette redistribution de la manne fédérale, le Conseil d’Etat sortant avait usé d’un argumentaire pour le moins surprenant, pour ne pas dire indécent. Sans aucune unité de matière, celui-ci avait fait remarquer que les transferts de charges au niveau de l’aide sociale étaient plus conséquents en direction des Montagnes que dans le reste du canton. Bref, le Conseil d’Etat sortant semblait faire sienne et ce de manière à peine voilée les mots de Coluche, «salaud de pauvres». Pourtant, prêchant dans le désert, les Montagnes et notamment les villes industrielles (Le Locle et La Chaux-de-Fonds) n’ont eu de cesse d’appeler ces dernières années le gouvernement à plus de contrôles du marché du travail et à une meilleure protection des travailleuses et travailleurs. En effet, les transferts d’aide sociale s’expliquent notamment par l’existence conséquent de «woorking poor», résultant de salaires, bien inférieurs à la moyenne suisse, ne leur permettant pas de vivre dignement.
Reste que ces considérations sur la partition sociale du canton n’ont strictement rien à voir avec la problématique des charges d’altitude. Ces dernières résultent des conséquences liées par exemple aux «degrés jours», aux «précipitations» et aux «climats», impactant nombre de domaines, tels que le revêtement des routes, le déneigement ou le chauffage des bâtiments administratifs. Ainsi, près de 24 millions de francs annuels échappent aux collectivités locales.
Equilibres régionaux
En s’attaquant à une population fragilisée, le contre-feu maladroit du précédent gouvernement risque d’alimenter une nouvelle fois les tensions régionales. La solution pourrait probablement venir des nouvelles autorités. En effet, entrées en fonction en avril 2021, celles-ci ouvriront sans doute la porte à une refonte de l’ancien projet gouvernemental. Le Grand Conseil peut s’appuyer sur une plus forte représentation des Montagnes et des Vallons. D’autre part, après huit ans de majorité socialiste, le nouveau Conseil d’Etat de droite devrait être – pour des raisons stratégiques ou idéologiques – plus sensible à l’équilibre régional et aux risques des concentrations d’infrastructures. Enfin, blessant au passage nombre de citoyen.nes dans certaines régions, le projet de l’ancien Conseil d’Etat favorisera sans doute la formation d’un large front. D’ailleurs, la plupart des communes, du Littoral aux Montagnes, en passant par les Vallons, devraient bénéficier de cette manne financière fédérale bienvenue. n