Une agriculture écologique, c’est ce qui est demandé à cor et à cri par presque toutes les fractions de la société. Et pourtant, c’est l’agriculture industrielle avide d’engrais, de pesticides et d’antibiotiques qui continue à dominer au détriment des paysannes et paysans ainsi que de l’environnement. En Suisse, plus de 1000 fermes disparaissent chaque année et, avec elles, le monde rural perd, à chaque fois, autant de personnes capables et disposées à s’occuper de la terre et de notre alimentation.
Engagé depuis 35 ans à la ferme du Montois pour une agriculture biologique et diversifiée, je perçois dans le vote populaire sur l’initiative «Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse» et sur celle dénommée «Pour une eau potable propre et une alimentation saine – Pas de subventions pour l’utilisation de pesticides et l’utilisation d’antibiotiques à titre prophylactique», l’opportunité d’exiger la production d’aliments sains pour toutes et tous. Avec l’acceptation de ces deux initiatives, la Suisse pourrait jouer un rôle précurseur pour une agriculture écologique au niveau européen.
Certes, les deux initiatives peuvent choquer par leur radicalité et quelques aspects difficiles à mettre en pratique dans un court laps de temps. Mais nous connaissons aujourd’hui les graves conséquences dues à la priorisation de critères de marché éphémères par les politiques agricoles: perte de biodiversité, dégradation de l’environnement, empoisonnement des ressources naturelles et des écosystèmes de la planète. La santé de nombreuses populations est désormais mise en danger. Il y a une urgence agricole qui fait partie, elle aussi, de l’urgence climatique.
J’ai passé une grande partie de ma vie à lutter contre le productivisme en agriculture qui en fait n’est qu’un leurre de productivisme. Car le soi-disant gain de productivité se fait sur le dos de personnes, de l’environnement, des écosystèmes de la planète et du climat. Dans ma vie d’agriculteur et d’apiculteur, je suis arrivé à la conviction qu’une agriculture diversifiée avec des cultures complémentaires produit à la surface bien plus que toutes les monocultures. Faire pousser différentes cultures les unes à côté des autres, suivre les préceptes de l’agriculture biologique voire de la permaculture, récolter la grande panoplie de plantes sauvages ou pratiquer de l’agroforesterie demande davantage de bras.
Mais en termes de calories le résultat est largement positif alors que l’agriculture industrielle a besoin de plusieurs calories pour produire une seule calorie alimentaire. Le passage d’une agriculture générant des calories à partir des ressources naturelles – soleil, eau, humus – à une agriculture dévorant des calories s’est fait sous l’impulsion de la course aux plus bas prix, mot d’ordre de notre civilisation industrielle. Et si le «meilleur marché» était pour nous et l’environnement le plus nuisible et finalement le plus coûteux en prenant des critères à long terme? Pourquoi continuer ce chemin?
Le vote du 13 juin nous donne l’opportunité de donner une impulsion pour une agriculture respectant la nature, l’environnement et tous les êtres humains.