Comment expliquer un licenciement aussi massif?
Umberto Bandiera Pour bien comprendre la situation, il faut faire un historique et rappeler le cadre de la discussion, tout en rappelant que les plateformes de livraison de repas produisent de façon presque scientifique une précarité de l’emploi pour les personnes salariées. Face à cette situation, Genève a fait oeuvre de pionnier et a mis des garde-fous. Après une première décision du Conseil d’État en 2019, la justice a reconnu en 2020 qu’UberEats devait considérer ses livreurs comme des personnes employées et leur proposer un contrat de travail. Dans la foulée, les autres sociétés de livraison de repas comme Smood ou Eat.ch ont dû s’adapter. Même si nous avons toutefois constaté que les contrats de travail ne respectaient toujours pas les minimas conventionnels de l’hôtellerie-restauration ou de la location de services. Dans les autres cantons, la situation reste bien pire, les livreurs y étant toujours considérés par ces sociétés comme des personnes indépendantes.
Mais encore…
Outre ce premier changement, le principe d’un salaire minimum de 23 francs de l’heure dans le canton de Genève en 2020 a dû aussi être intégré dans les nouveaux contrats. Dans le cas de Smood, devenu un poids lourd du secteur après s’être allié à Migros, le licenciement de 260 collaborateurs – soit 180 à Genève et 80 dans le Canton de Vaud – a été mené par une société partenaire de cette entreprise, AlloService. La question qui se pose est de savoir si ce système de sous-traitance de l’engagement est conforme à la loi? Pour Unia, la situation est claire. En 2019, il a été reconnu qu’un restaurant pouvait faire appel à une location de services de livraison, imposant à une plateforme d’engager des livreurs pour ce service. Dans le cas de Smood, il a choisi de sous-traiter le recrutement du personnel et cela ne correspond pas aux dispositions légales.
AlloService assuré qu’il avait intégré l’augmentation des salaires selon la nouvelle loi. Ce renchérissement salarial peut-il être la cause de ces licenciements?
Des vérifications sont en cours de notre part. Mais en principe AlloService comme toute autre entreprise doit respecter ses obligations, notamment par rapport au salaire minimum. Ceci alors que Smood paierait ses partenaires selon un forfait par livraison. Ce qui fait qu’AlloService a rapidement rencontré des difficultés financières selon l’une des responsables. Pour l’heure, le personnel est le seul à payer les pots cassés. Les 260 collaborateurs licenciés n’ont plus pu se connecter à leur compte Smood. Sans travail, ils n’ont plus de rémunération. L’entreprise Smood a annoncé réengager une cinquantaine de personnes à Lausanne. Mais à quelles conditions?
Que vont faire les syndicats?
Nous sommes en coordination avec les collègues du syndicat SIT pour faire respecter les droits des livreurs, à commencer par ouvrir une procédure de licenciement collectif et le droit à la consultation. AlloService s’est engagé à collaborer et à respecter le cadre légal en donnant aux collaborateurs un délai jusqu’au 14 mai. Tout dépend maintenant de la capacité de mobilisation des travailleurs dans les prochains jours, une fois la consultation terminée nous pouvons communiquer d’éventuelles propositions, autrement tous les licenciements seront confirmés.
Pas de commentaire sur la procédure
Contacté, Smood nous a répondu par sa manager marketing Luise Kull: «Nous ne sommes pas impliqués, ni ne cautionnons, les activités et les décisions d’AlloService. Les décisions de licenciement et de rechercher, ou non, des solutions pour le personnel appartiennent exclusivement à AlloService, de sorte que nous ne pouvons pas les commenter», précise-t-elle, en rappelant que Smood a rapidement réengagé 45 personnes licenciées par AlloService.