Ceux-ci viennent fonder les préoccupations majeures présentes et à venir auxquelles l’agriculture ne peut être soustraite. Sujet des prochaines votations fédérales, l’agriculture du pays ne repose pas simplement sur une branche qui serait menacée d’être sciée par deux initiatives populaires.
Mais c’est bien le corps de l’arbre dans son ensemble qui est malade de l’agro-industrialisation financiarisée et mondialisée. Sa logique actuelle est de tous les paradoxes. En quête perpétuelle d’une rationalité motivée par la compétitivité, elle a fait baisser les prix. Et ainsi la part de l’alimentation dans le coût de la vie. Elle consomme dix calories pour en produire une. Dans les champs, l’agriculture accompagne la photosynthèse, source d’énergie naturelle, alors qu’elle consomme massivement l’énergie fossile.
Technobureaucratie et pollution
Elle méprise et chasse du terrain les femmes et les hommes munis d’un savoir ancestral pour les remplacer par une technobureaucratie parasitaire hors-sol. Elle affaiblit l’immunité, la fertilité et la résistance des sols, croyant la compenser par des artifices chimiques et mécaniques. Les coûts collatéraux deviennent exorbitants en termes de pollution, de santé publique, de perte de la biodiversité, de transport, de réchauffement climatique, de chômage, de bio-invasion, d’exode rural global et local.
Encastrée dans l’import-export, l’agriculture suisse importe 50% de ces besoins alimentaires et exporte l’équivalent de 20% de la surface agricole en produit laitier. Elle importe plus de cent mille tonnes de pâtons et viennoises précuits et déclasse presque autant de céréales panifiables en fourrage. Nous importons près d’un million de tonnes de fourrage alors que globalement nos surfaces agricoles sont saturées de fumure.
Fermes portées disparues
Effectivement notre agriculture change. Mais en quoi? Pour le bien de qui? L’indicateur le plus révélateur de ce changement est donné par le corps du métier lui-même. En ce pays, 1000 fermes disparaissent chaque année. Le travail est payé au prix du marché local et mondialisé. Les charges de travail et de bureaucratie ne cessent d’augmenter. Une vague de dépression embrume les campagnes et la relève professionnelle est difficile. Les politiques agricoles d’étranglement provoquent amertume et ressentiment. Le syndicalisme paysan a été cassé par le néolibéralisme du chacun contre tous les autres.
Agriculture arc-en-ciel
La crise dans laquelle s’inscrit l’agro-alimentaire rend toujours plus caduque la paix, la justice sociale, la santé publique, la liberté et la démocratie. «Du chaos nait la créativité», dit le dicton, celle de prendre SOIN de la planète, des femmes et des hommes, de la biodiversité, de la fraternité, de la paix et du présent-futur en général. Pour ce faire, il est temps de remettre en cause le socle néolibéral de notre politique agricole. La Gauche, les Verts et les associations environnementales ne peuvent construire du durable sur ce fondement néolibéral mondialisé.
L’agriculture doit s’installer dans la souveraineté démocratique, bénéficier de la régulation des marchés afin de pouvoir décider son avenir. Le monde agricole doit mettre à profit cette majorité de citoyennes et citoyens qu’il craint et combat iniquement aujourd’hui. Ceci de peur de voir les initiatives aboutir et leur proposer un projet rencontrant les attentes sociétales. Un projet redonnant sens, grandeur et revenus au paysannat et au pays.
Voter oui à l’initiative «Pour une suisse libre de pesticide» va de soi. Quant à elle, l’initiative «Pour une eau propre» mérite l’abstention, tant elle scinde l’agriculture en deux, laissant libre cours à une agriculture intensive prompte à souiller encore et toujours l’eau.