Le résultat du vote de Moutier ayant déjà été abondamment commenté dans les médias, limitons-nous à quelques éléments. D’abord le constat que l’argument de «couper» la ville des villages environnants, de diviser la région historique de la Prévôté, n’a pas pesé lourd, puisqu’on retrouve, avec 54,9% de oui, quasiment le même score qu’en 2013, 55,4%, lorsqu’il s’agissait de se prononcer pour l’ensemble du Jura-Sud. Dans les jours précédant le vote, on avait entendu qu’on aurait le dimanche «une ville coupée en deux».
Il n’en a rien été. Simplement, les lieux de rassemblement des deux camps étaient éloignés d’environ deux kilomètres. J’ai effectué, par la rue principale, deux fois le trajet aller-retour entre la place de la Gare, rendez-vous des autonomistes, et le Forum de l’Arc, où se trouvaient les partisans du non. Je n’ai vu aucun policier, à part trois en faction devant le local de vote et trois devant le Forum. Le contraste entre les lieux des deux camps était frappant.
Dès 15 h 30, déjà quelques centaines de personnes près de la gare, et à 18 heures, lors de l’annonce du résultat, environ 3000, dont une majorité venue du canton du Jura. Je me trouvais à ce moment-là chez les pro-bernois, il y avait une centaine de personnes. L’annonce du résultat a été suivie d’un silence absolu d’une vingtaine de secondes, puis les conversations ont repris, exprimant évidemment la déception et le constat que «cette fois, on est foutus».
L’écart de 374 voix (2114-1740) était jugé trop important pour remettre en question le résultat. Côté jurassien, c’était l’explosion de joie et la fête. La foule s’est déplacée de la gare vers l’hôtel-de-ville où aucun discours n’a été prononcé, protocole covid oblige. Mais vu l’ambiance festive et le nombre de personnes, les gestes barrières et les groupes limités à 15 personnes sont devenus pour beaucoup des notions très relatives.
La fin de la question jurassienne?
La page est donc tournée pour Moutier. Son départ diminuera évidemment le poids du Jura bernois dans le canton de Berne: sa part dans la population cantonale passera de 5,2 à 4,5%. Pourra-t-il conserver longtemps certains acquis, par exemple ses 12 députés (soit 7,5%)? Du côté autonomiste, quel est l’avenir du mouvement? Dans le Jura bernois, sans Moutier, son électorat passe en dessous d’un quart, selon les chiffres du vote d’autodétermination de 2013.
Si ce n’est la fin de la question jurassienne, il semble que c’est au moins le début d’une longue pause. A moins que le village tout proche de Moutier, Belprahon, qui avait dû voter en 2017 sans connaître le sort définitif de Moutier, ne devienne un nouvel enjeu de lutte. Berne l’avait emporté par 121 voix contre 114, mais, depuis les dernières élections, le Conseil communal est entièrement autonomiste. Le comité «Belprahon dit oui» souhaite rejoindre Moutier et le canton du Jura, mais le processus d’autodétermination est terminé.