L’urgence liée au dérèglement climatique n’est plus à prouver. Même pour les plus sceptiques, force est de constater, année après année, que notre climat se réchauffe et que les conséquences négatives s’accentuent. Cela relève du bon sens que d’agir vivement. Désormais, des plans climats sont élaborés un peu partout en Suisse et à l’étranger.
C’est bien évidemment une bonne nouvelle, même si nous sommes tentés de dire: enfin! Le Protocole de Kyoto date tout de même du siècle passé (1997!) et les Accords de Paris commencent également à devenir vieillots (2015). Nos autorités politiques auront donc pris le temps pour dessiller leurs yeux et cela essentiellement grâce à la pression populaire.
A Neuchâtel, le Conseil d’État a mis en consultation un plan climat dressant à la fois l’état des lieux actuel et un large éventail de propositions touchant à différents domaines tels que l’efficacité énergétique des bâtiments, l’économie, les transports, l’agriculture, la sylviculture l’aménagement du territoire, le traite-ment des déchets…Il est également prévu de favoriser le développement de puits à carbone naturels, par exemple les forêts et les marais, pour capter les émissions de CO2.
L’objectif du plan climat est double. Atteindre la neutralité dans les émissions de gaz à effets de serre (GES) d’ici à 2050 et maintenir la qualité de vie de la population. Si nous partageons le constat sur la gravité de la situation et la plupart des mesures proposées que nous n’analyserons pas ici en détail mais qui vont dans le bon sens, certains points du rapport nous paraissent vraiment problématiques!
Le premier point, sans doute le plus important, est la durée de mise en œuvre et les moyens alloués. L’horizon prévu pour la neutralité carbone est 2050. 40 millions de dépenses nettes sont envisagés pour la période 2022-2026, soit 8 millions par année. Quand l’on connaît les sommes mises dans d’autres domaines, cela laisse songeur quant à la prise de conscience réelle de l’urgence climatique. Pas étonnant que le Conseil d’État vise 2050 pour atteindre la neutralité carbone! Le décalage entre les déclarations sur l’état inquiétant de la situation et les moyens consentis relève du gouffre.
Rappelons que lors des périodes de guerres, le système a été modifié en très peu de temps, y compris et surtout l’économie. Idem lorsque la pandémie a touché le globe, des mesures drastiques ont été prises très rapidement. Dès lors, comment justifier qu’il faille prendre autant de temps quand il s’agit du dérèglement climatique? C’est d’autant plus absurde que prendre des mesures fortes aujourd’hui limitera les coûts demain pour les générations futures.
Mesures incitatives
Sans entrer dans le détail des mesures, arrêtons- nous encore sur deux principes généraux. Le premier est que, fidèle à la bonne vieille doctrine libérale, les mesures ne sont pas contraignantes, mais incitatives, ce qui réduit de beaucoup la portée du projet. Un autre point est encore à relever, c’est celui de la compensation extraterritoriale des émissions de CO2 par le biais de projets réalisés à l’étranger. Actuellement la Suisse négocie des accords avec certains pays (de tels accords ont déjà été signés fin 2020 avec le Pérou et le Ghana) pour que des réductions obtenues à l’étranger bénéficient à la Suisse et comptent dans son bilan carbone. Ainsi, après l’externalisation de nos pollutions et de nos déchets, nous allons désormais exporter les efforts à faire en termes de réduction d’émissions de carbone. Réaliser cela alors que nous devrions nous montrer exemplaire au regard de la responsabilité largement plus grande des pays dit industrialisés dans le dérèglement climatique et de nos moyens financiers plus importants, est une forme d’hypocrisie dans la droite ligne des logiques colonialistes.
Malgré cela, tout n’est pas à jeter dans ce rapport, qui en est encore à la phase de consultation. Les forces politiques en présence pourront, devront, encore le faire évoluer. D’où l’impor-tance des élections cantonales du 18 avril 2021 et d’un Grand Conseil avec le plus possible de membres convaincu.e.s de la nécessité de mener une politique de justice sociale, de tendre vers une écologie inclusive ne péjorant pas les classes populaires et qui ne laisse personne au bord du chemin.