Dès qu’il y a un combat à mener pour plus de justice, les femmes sont présentes. Mais comme toujours, l’Histoire les oublie. J’ai dû attendre mon engagement féministe, à par- tir de 1970 (fondation du MLF de Genève) et mes recherches pour apprendre que les femmes avaient été nombreuses à descendre dans la rue en 1789, qu’elles avaient créé plus de cent journaux féministes, qu’Olympe de Gouges était morte sur l’échafaud en 1793 pour avoir réclamé des droits égaux pour les femmes…
Généralement, quand les femmes descendent dans la rue, c’est parce qu’elles ne peuvent plus nourrir leur famille. Ce fut le cas en octobre 1789, elles envoyèrent une délégation, conduite par l’avocat Jean-Joseph Mounier, pour réclamer du pain au roi, et marchèrent sur Versailles. Des peintures reproduisent ces moments, mais les livres d’histoire n’en parlent pas, ou si peu. La Révolution française fut défavorable aux femmes. En avril 1793, un décret les chasse de l’armée (certaines avaient réussi à prendre les armes, il y avait les cantinières, et aussi beaucoup de prostituées); un autre interdit les clubs de femmes qui avaient commencé à se mettre en place, un autre encore leur interdit toute présence politique.
Le Code civil des Français, copié sur le droit romain, rappelons-le, promulgué le 21 mars 1804 par Napoléon, entérine les acquis de la Révolution, mais il péjore la situation des femmes. Alors que le divorce avait été une libération pour elles, il le rend quasiment impossible. Il consacre l’incapacité juridique de la femme mariée et légalise son infériorité. Ce qui aura pour conséquence que jusqu’en 1907, la femme mariée ne pourra pas bénéficier librement de son salaire, ni de sa fortune personnelle. En Suisse, il faudra attendre 1988 pour que les femmes puissent travailler sans l’accord du mari, ouvrir un compte bancaire personnel et disposer de leur argent!
Dès le Moyen Âge, de rares femmes, à l’image de Christine de Pisan, avaient évoqué la misogynie de la société. Mais il faut attendre la seconde moitié du XIXe siècle pour que le mouvement féministe naisse réellement. Aux Etats-Unis, la Convention de Seneca Falls (1848) est souvent choisie comme point de départ du féminisme. En 1873, Lillie Devereux Blake intervient devant la Commission constitutionnelle de New York en faveur du vote des femmes. Avec Matilda Joslyn Gage, elle signe la Déclaration des droits des femmes du centenaire de 1876.
En France, la partielle liberté de parole au début du Second Empire permet l’émergence du féminisme à la suite d’André Léo, pseudonyme de Léonie Champseix. En 1876, Hubertine Auclert fonde la société «Le Droit des femmes», en faveur du droit de vote féminin. Le 5 juillet 1914, c’est la première «Journée des femmes» en France. La victoire du Front populaire aux élections législatives d’avril-mai 1936 fait souffler un vent de liberté et de progrès social sur le pays. Pour la première fois, Léon Blum nomme 3 femmes sous-secrétaires d’Etat: Cécile Brunschvicg (présidente de l’Union française pour le suffrage des femmes, l’UFSF) à l’éducation nationale, Suzanne Lacore à la santé publique et Irène Joliot-Curie à la recherche scientifique. Mais si la Chambre des députés se prononce à l’unanimité en faveur du vote des femmes, le 30.7.36, le gouvernement s’abstient et gèle la demande. Les Françaises ne l’obtiendront qu’en 1944, grâce à de Gaulle.
Au Royaume-Uni, en 1897, Millicent Fawcettfonde la National Union of Women’s Suffrage Societies, afin d’obtenir le droit de vote pour les femmes. En 1903,Emmeline Pankhust- fonde la Women’s Social and Political Union (WSPU) et avec ses trois filles, Christabel, Sylvia et Adela,ainsi qu’un groupe de femmes britanniques rapidement nommées suffragettes, commença une bataille plus violente pour obtenir l’égalité entre hommes et femmes. Quand elles sont arrêtées pour leurs actions, elles entament des grèves de la faim, on les nourrit de force.
Enfin, en Allemagne et dans le reste de l’Europe, les révolutions de 1848 amènent avec elles l’aspiration féminine à plus de liberté, tout comme le fait en Russie l’avènement du tsar Alexandre II.
Jane Fonda, dès 1971, a combattu les mensonges proférés par son pays sur la guerre du Vietnam (déclenchée par les USA en 1965), s’est rendue sur place à plusieurs reprises, a fait de la prison. La guerre prend fin en 1973: 60’000 morts, 350’000 blessés et mutilés US; côté sud-vietnamien: 700’000 morts dont 430’000 civils, 1,8million de blessés et mutilés; côté nord-vietnamien: 1million de soldats tués, 900000 blessés et mutilés.
Actuellement, les femmes sont engagées en première ligne dans les mouvements sociaux, comme en Asie. Bravant l’interdiction à participer à des manifestations, les femmes indiennes se mobilisent massivement pour une solidarité transcendant les castes, professions et religions. En Birmanie, les femmes de tous les âges occupent une place centrale dans le mouvement social. Une grande partie des participant.e.s à la grève générale suite au coup d’Etat sont des travailleuses. C’est également le cas en Thaïlande à l’automne 2020.
Les féministes noires ont largement participé au mouvement pour les droits civils aux Etats-Unis. Les indigènes et les paysannes sont primordiales dans les luttes pour la terre et la défense de l’environnement en Amérique latine. Elles sont également porteuses de changements lors des révolutions au Maghreb. Les organisations féminines ont joué un rôle clé dans la deuxième vague des soulèvements populaires au Soudan, en Algérie, en Irak, au Liban, ainsi qu’en Biélorussie en 2020. Depuis 2019, des marches pour le climat, emmenées par l’étudiante suédoise Greta Thunberg, réunissent des dizaines de milliers de jeunes partout dans le monde. Un grand nombre de féministes présentes unissent la libération sexuelle des femmes et la crise environnementale, en dénonçant le système patriarcal.
En Suisse, les féministes représentent une des forces politiques les plus importantes, ayant réussi leur grève de 2019. Elles ont montré que désormais, il faut compter avec elles. Pour prolonger la Journée des femmes, rendons hommage à quelques figures sans qui le monde actuel ne serait pas ce qu’il est: Clara Zetkin, initiatrice de la Journée des femmes, Emilie Gourd, Simone de Beauvoir et son Deuxième sexe, Rosa Parks, qui refusa de céder sa place à un Blanc dans un autobus à Montgomery (Alabama) le 1.12.1955, Simone Veil, Malala Yousafzai et, bien sûr, Greta Thunberg.