Dans un communiqué en date du 22 février, le comité référendaire dénonce la désinformation – oublis de mentionner le parking sur les supports de communication -, le démarchage téléphonique agressif et les faux profils utilisés sur les réseaux sociaux dans le cadre de la campagne de votation au sujet du parking dit « Clé-de-Rive ». « Nous en appelons aux autorités afin qu’elles interviennent pour rappeler aux défenseurs·euses du parking de respecter le minimum d’honnêteté nécessaire à un exercice décent des droits démocratiques et qu’elles alertent la population genevoise sur les messages trompeurs diffusés par le promoteur ».
Dépense somptuaire pour un projet anti-social et anti-écologique
Ce chantier pharaonique coûtera pas moins de 34 millions de francs à la Ville de Genève. Alors que cet argent pourrait être utilisé pour aider les personnes en situation de précarité et stimuler l’économie locale, il va charrier son lot de grosses nuisances pendant six ans. Le temps du chantier, les travaux provoqueront des congestions sans-précédents en plein centre-ville. Ils menacent également la sécurité routière dans un périmètre comportant trois écoles, l’école primaire Ferdinand-Hodler, le collège Calvin et l’ECG Ella-Maillart et cinq espaces de vie enfantine.
Comme dans de nombreux pays européens, la population suisse et genevoise a plébiscité ces dernières années des politiques en faveur de la protection de l’environnement. Dans les villes du vieux continent, les projets pour réduire la pollution, contre les îlots de chaleur et en faveur de la mobilité douce se multiplient. En septembre dernier, la population genevoise a voté à une forte majorité pour le non-remplacement de certaines places de parking supprimées en surface. Un an plus tôt, à l’automne 2019, le Grand Conseil déclarait l’état d’urgence climatique pour le Canton de Genève. Comme le rappelle Vincent Kaufmann, professeur associé de sociologie urbaine et mobilité à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), pour limiter la hausse des températures à 1,5°C, en vertu de l’Accord de Paris adopté en 2015, une réduction des émissions nettes de CO2 de 45% d’ici 2030 et la réalisation d’une neutralité carbone en 2050 doivent être atteintes. Parvenir à cette neutralité carbone exige des transformations radicales, en particulier des changements de paradigmes sur le plan économique, social et culturel. Pour la mobilité, cela implique une diminution de 80% à 90% des émissions à l’horizon 2050.
« Afin de parvenir à un tel objectif, la mobilité électrique doit être priorisée. Une politique très volontariste de report modal doit être mise en place » (Causes Communes, 7 mars 2021). Le projet « Clé de Rive » sur lequel la population de la ville de Genève vote le 7 mars prochain est en décalage complet avec ces objectifs. La construction du parking Clé de Rive est en totale contradiction avec la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée (LMCE). Comme le relève l’Association transports et environnement, cette loi autorise la suppression de places en surface dans l’hypercentre avec une compensation moindre en sous-sol. «Nous rappelons que la Confédération favorise les équipements de transports publics à la condition que l’accès au centre-ville soit réduit pour le transport motorisé individuel. Concentrer à un seul endroit des centaines de places disponibles va à l’encontre de cette politique».
Accorder la priorité aux mobilités douces et aux transports publics
De l’avis des experts, dans l’hyper centre, la priorité doit être accordée aux mobilités douces et aux transports publics. Permettre aux pendulaires de circuler et de stationner dans l’hyper centre empêche d’endiguer le trafic des pendulaires en le maintenant à l’extérieur de la ville. Dans la majeure partie des métropoles européennes, on construit des parkings à l’extérieur des agglomérations et on encourage le développement des transports publics comme les trams, les métros, les trains ou bus à haut niveau de service pour se rendre au centre-ville. Les chiffres des enquêtes de mobilité indiquent une tendance similaire à Genève. L’utilisation des moyens de transports, majoritairement « monomodale » jusque dans les année 1990 (les gens se déplaçaient, soit en voiture ou en transport public ou à pied) est révolue. Une grande partie des habitant-e-s ont recourt à plusieurs moyens de transport au quotidien. De plus, de nouveaux moyens de transport ont fait leur apparition. Ils agrandissent le choix disponible. C’est particulièrement vrai de tous les modes dits «partagés» (autopartage, vélo électrique, vélo en libre-service, etc.).
«En 2021, les usagères et usagers de transport sont très soucieux des conditions d’accessibilité et de confort qui leur sont proposées. Lorsque plus d’individus partagent une voiture, moins de places de stationnement sont nécessaires. La mobilité urbaine est en conséquence améliorée. Le concept de car-sharing, facilitée par l’ère numérique et la croissance des plateformes en ligne, est de plus en plus plébiscité, en particulier par les plus jeunes qui adoptent un changement de comportement de consommation. Il n’y a en ce sens aucune raison de continuer à favoriser l’accessibilité automobile en Ville de Genève et dans les communes limitrophes, car la mobilité peut y être assurée par d’autres moyens de transport», explique Denis Chiaradonna, président de la Commission des transports et de la mobilité du Parti socialiste genevois (Causes communes, 7 mars 2021).
Mirages de la piétonnisation et de la végétalisation
Le projet Clé de Rive fait miroiter des rues piétonnes et arborées. En réalité, le projet prévoit uniquement la seule piétonisation de la rue Pierre Fatio. Toutes les autres rues resteront utilisées par de nombreux véhicules (TPG, ayant-droits, etc.). Tout le quartier sera asphyxié par les voitures qui voudront accéder au nouveau parking. Le projet est communiqué au public avec des images trompeuses. Elles essaient de faire rêver à un oasis de paix avec des arbres. Or, ces arbres, plantés au-dessus d’une dalle de parking, sont voués à disparaître. «Le renforcement des îlots de chaleur urbains sous l’effet du réchauffement climatique menace de rendre nos villes quasi-inhabitables pendant les canicules estivales. Or, seule une végétalisation conséquente peut nous en préserver. Le projet « Clé-de Rive » prévoit l’abattage de près de 70 arbres ! Et ce ne sont pas les nouveaux arbres promis qui permettront de compenser, puisqu’aucun végétal ne peut se déployer correctement là où un parking souterrain l’empêche d’étendre ses racines», souligne Thibault Schneeberger d’Actif Traffic (Causes communes, 7 mars 2021).
Une pseudo « zone piétonne »
L’étendue de la zone piétonne est très limitée. Enfin, toute la zone serait mixte. Selon l’association Pro Vélo, l’expérience indique qu’une séparation entre vélos et piétons est préférée des habitants. Le centre-ville de Genève dispose de beaucoup trop de places de stationnement. On en compte déjà sept dans les alentours, Rive-Centre, Mont-Blanc, Saint-Antoine, Eaux-Vives 2000, Villereuse, dont deux qui viennent d’être construits sous la nouvelle gare des Eaux-Vives. Ils sont loin d’être remplis. D’après la Fondation des Parkings, la fréquentation est en baisse depuis quelques années! Cette tendance est accentuée par la mise en service du Léman Express et l’augmentation du nombre de ménages urbains qui renonce à la voiture (41%). L’accès aux commerces de l’hyper centre ne peut pas justifier la construction du parking mammouth. «La plupart des commerces du centre-ville sont de boutiques de vêtements, de cosmétiques et de luxe. Il n’y a presque pas de supermarchés où d’enseignes alimentaires justifiant pour les client-e-s la nécessité de bénéficier d’une place de stationnement proche», souligne Vincent Kaufmann (Causes communes, 7 mars 2021).
Le projet est en porte-à-faux avec les aspirations de la plupart des habitant-es, qui ne souhaitent plus avoir davantage de véhicules motorisés au centre-ville. 43% des ménages en Ville de Genève ne possèdent pas de voiture. La grande majorité de la population s’accorde sur le fait que la priorité doit être donnée aux transports publics, aux vélos et aux piéton-ne-s. Les efforts pour favoriser un transport en commun de qualité et de nouvelles lignes de tram ainsi que le développement de nouveaux outils et réseaux de mobilités douces sont prometteurs. Des investissements très importants ont été lancés pour encourager les alternatives à la voiture, par exemple le Léman Express inauguré en décembre 2019. Il devient très compliqué de légitimer la création d’un immense parking, alors que l’on vient d’inaugurer une gare reliant Genève au reste de la Suisse et à la France voisine au quartier des Eaux-Vives. Cette gare est dotée de vélo-stations, de trams et de bus reliant le centre-ville, souligne Pro Vélo.
Pour une mobilité durable transfrontalière
«Des deux côtés de la frontière, les collectivités publiques devraient s’activer pour créer de nouveaux grands et généreux espaces publics piétons. Des villes françaises comme Bordeaux, Montpellier ou Grenoble, souvent opposées au départ à la piétonnisation ont franchi le cap avec succès. Leurs lignes de tram sont souvent bien plus rapides que les lignes genevoises de centre-ville ralenties par les bouchons occasionnés par les voitures. Une volonté politique commune de mobilité durable transfrontalière, comme l’a été la création de la voie verte du Grand Genève ou du tram 17 qui traverse, côté français ma commune d’Ambilly, est une exigence d’un futur désirable et le début d’un nouvel art de vivre la cité», commente Guillaume Mathelier, politologue et maire d’Ambilly (Causes communes, 7 mars 2021).