Pour Première neige, Germinal Roaux retourne aux paysages minéraux et enneigés de son long-métrage sur une jeune réfugiée éthiopienne enceinte et en sursis chez des religieux à l’Hospice du Simplon (Fortuna). Ramenant à l’éblouissant Ida de Paweł Pawlikowski, le noir et blanc classieux du film chemine entre neige, cendres et froid acéré. Chaque plan vise la ressemblance avec une photographie. La retraite solitaire du réalisateur se confond avec un hommage poétique à l’acteur zurichois Bruno Ganz ayant réalisé avec Fortuna, son ultime tournage avant décès.
Solitude embrassée
Accompagné de la voix off confiante et complice du cinéaste, l’opus se met à l’écoute de lieux venteux quasi déserts. Du chant médusant de la glace noire sans neige pulsant pareil à une rave amniotique, sourdement détonante sous un lac gelé. «Il est des dimensions mystérieuses tant dans la poésie de Christian Bobin si inspirante pour ce film que dans mon travail. Seul là-haut avec le Seul, comme disent les trois chanoines silencieux de l’Hospice», confesse le cinéaste.
L’objectif de son smartphone cadre le dessin de la terre givrée, où coule un ruisseau bientôt vitrifié. Dans l’attente de la première neige, maraude une expérience rare. Elle participe du plus fragile et insaisissable. Ou comment vivre envers et contre tout ce qui nous masque et sépare. Se joue alors une manifestation de l’être dont la société nous sépare pour longtemps: un oui profond.
Signé Daniel Maurer, L’Au-delà lève le voile sur un personnage atypique, en marge du système hospitalier. Mathieu prépare les défunts – toilette, coupe de cheveux – pour leur confrontation avec les proches. Contrairement à la série Six Feet Under, le trépassé est ici une personne. A laquelle Mathieu adresse un salut et parle tendrement sur le ton familier d’une berceuse. Employé à la chambre funéraire d’un Centre hospitalier régional de Rennaz sous deuxième vague pandémique, le jeune homme tente d’établir un lien singulier, familier avec ceux dont la société préfère qu’ils sortent discrètement, à l’anglaise.
«Il va chercher la personne décédée dans la chambre froide. Et fait office de relais entre le monde des soignants et la famille qui viendra pour une dernière rencontre avec leur proche défunt. C’est un travail de l’ordre de l’esthétique relationnelle», précise le réalisateur. Dans le cadre du prochain Festival Visions du réel, Daniel Maurer présentera son documentaire Et dehors la vie continue, fruit d’une immersion de plusieurs années au sein des Urgences hospitalières.
Spectacle mourant
De la vie culturelle et de sa foisonnante inventivité à l’arrêt, voire portée disparue, témoigne Zoom sur le cirque. Par skype depuis son foyer, Dominique Margot forme une choralité de voix d’artistes en stand-by. Au fil de sa mosaïque, elle révèle comme en répétitions ou intégrés dans leur quotidien, un savoir-faire artisanal désormais sur le fil. En sursis. Ainsi le Cirque du Soleil, groupe québecois qui rayonnait à travers le monde, affichant 1 milliard de dollars au chiffre d’affaires. En quelques mois, il se met en faillite l’année dernière. L’un de ses responsables témoigne de la détresse des artistes.
«J’ai été en tournée avec plusieurs cirques. Mais le coup de foudre est venu au fil de 3 ans sur les routes avec Archaos, nouveau cirque de référence punk et rock à l’époque (compagnie créée en 1986 et mêlant théâtre, forain, rock et poésie, ndr). Je travaille aujourd’hui à un film pistant le moment de basculement d’un petit cirque se métamorphosant en une institution showbiz à grande échelle, type Cirque du soleil. Les circassiens sont tous en train de tourner en rond. Cela est singulièrement difficile tant au Canada qu’en France et en Espagne, où il n’existe guère de structures sociales proposant une couverture et des aides spécifiques. Ils gardent un courage fantastique tant le terme de cette situation pandémique est inconnu. Ce qui me touche est de voir la culture sabotée par des annulations et fermetures en série.»
Peste, choléra et corona
Peste et Corona cosigné Frédéric Gonseth et Azad Catherine ouvre sur Léo, 12 ans, souffrant du confinement. Son grand-père (Michel Voïta) lui offre sur le quai de la gare une trottinette électrique. Pour une balade dans la ville de Morges. Ni une ni deux, les voici projetés comme spectateurs clandestins dans un cinéma condamné au silence par la crise sanitaire. Ensemble, ils découvrent un extrait du film signé Jean-Paul Rappeneau, Le Hussard sur le toit d’après le récit de Jean Giono. En 1832, sévit en Provence une épidémie de choléra. Au coeur d’une terre ravagé par la maladie, la tragique situation fait ressortir le pire ou le meilleur des différents individus croisés. Une épopée qui en évoque d’autres.
«Après les 10’000 francs finalement alloués à chacune des 33 réalisations de la première vague composant Lockdown lors du semi-confinement au printemps 2020, il a pu être réuni environ 12’500.- par court métrage à l’occasion de cette nouvelle livraison», explique Frédéric Gonseth, cinéaste et producteur avisé. Il est à l’origine de la Collection Lockdown mobilisant des cinéastes issus des trois régions linguistiques du pays. L’homme s’est engagé à soutenir artisanat inventif, savoir-faire unique et production d’un cinéma helvétique en péril.
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