Le reportage réalisé par Xavier Alonso pour l’émission Tout un monde (RTS, 13.05.2020) sur les missions médicales cubaines est choquant à plus d’un titre. D’emblée il est affirmé que «le régime communiste capte 2/3 des salaires de son personnel soignant en mission à l’étranger, cela ressemble à du travail forcé». Il n’y a pas eu la moindre analyse de la situation géopolitique, ni même une esquisse du contexte actuel.
Qu’une radio publique verse pareillement dans la caricature et donne une vision si négative de mes col- lègues cubains m’attriste. J’ai eu l’occasion d’en rencontrer de nombreux, au Nicaragua, au Brésil ou au Venezuela. Et encore il y a quelques mois en Suisse. Une jeune doctoresse nous expliquait alors combien ses missions à l’étranger l’avaient enrichie professionnellement. Son rêve? Pouvoir repartir en mission, peut-être en Afrique francophone, c’est pourquoi elle s’était mise à étudier le français.
La santé et l’éducation, gratuites et universelles, sont les piliers de la société insulaire depuis le début des années 60. L’État consacre à ces deux services plus de la moitié de son budget annuel. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les résultats en sont remarquables. D’après l’UNESCO, en Amérique latine et dans les Caraïbes, Cuba est le seul pays ayant atteint les objectifs de l’éducation pour tous entre 2000 et 2015. Et, il faut rappeler que l’île, à travers son École latino-américaine de médecine (ELAM) créée en 1999, a formé gratuitement plusieurs milliers de professionnels de la santé issus de plus de 120 pays. Sans dire que le pays a une densité médicale deux fois supérieure à la Suisse favorisant une véritable médecine de proximité.
Ces bons résultats et cette solidarité ont été accomplis par l’État cubain malgré les sanctions imposées par les États-Unis depuis près de 60 ans. Face à la pandémie actuelle, qui, hormis Cuba, a proposé des brigades médicales? Comme il l’avait fait pour l’épidémie Ebola en 2014 au Liberia et en bien d’autres occasions. Certains pays, comme l’Italie, Andorre ou le Portugal, rémunèrent ces services et expériences appréciés car ils en ont les moyens. Et que Cuba, avec le blocus américain, n’a que peu de ressources de devises, mis à part le tourisme. Ce dernier rapportait 3,3 milliards de dollars en 2018 et a été fragilisé par la pandémie que Cuba a géré très professionnellement, imposant confinement, port du masque et tests puis suivi aux touristes.
Il est vrai que le gouvernement cubain prend parfois jusqu’au 2/3 du revenu engendré. Mais c’est essentiel aujourd’hui pour assurer la pérennité d’un Etat social qui a fait sa force. Relevons que le 1/3 restant qui est payé au pays est largement plus conséquent que le salaire gagné habituelle- ment. Alors pourquoi ne pas dire «Cuba si»?