Près de trois années auront été nécessaires au Conseil d’État neuchâtelois pour sortir, enfin, sa prise de position vis-à-vis de l’initiative pour une fiscalité plus équitable déposée le 27 juillet 2017. Durant ce même laps de temps, le gouvernement n’a pourtant pas chômé en matière d’austérité, qui a poursuivi sa marche en avant avec de nombreuses mesures d’économies prises au détriment du social et de la culture. Avec un tel délai, nous étions en droit d’attendre au moins un rapport exhaustif, présentant les inégalités de richesse dans le Canton, l’augmentation continue du nombre de millionnaires et du bien-fondé de l’initiative à laquelle se ralliait un gouvernement à majorité socialiste souhaitant mettre un terme aux fermetures d’institutions et investir dans un État fort et redistributif. Eh bien non, absolument pas! Nous avons un bref rapport expliquant la difficulté des plus riches et des entreprises et leur nécessité pour l’ensemble de la société, nécessité justifiant un traitement de faveur se basant sur la théorie du ruissellement.
Un impôt foncier minimaliste
L’initiative du POP demande une augmentation modeste de l’impôt sur la fortune à partir de 500’000 francs de 0,7 pour mille. Nous étions en droit d’attendre que taxer légèrement plus la for- tune (1400 francs par million!) trouve grâce aux yeux de ce gouvernement. Gouvernement qui, il faut le rappeler, le marteler même, n’a pas hésité, notamment, à durcir les conditions d’accès à l’aide sociale, à baisser la fiscalité des entreprises à plusieurs reprises, à limiter le nombre de bénéficiaires des subsides d’assurance-maladie et à vouloir fermer un hôpital. Mais oh! surprise, le Conseil d’État «de gauche» recommande de rejeter l’initiative avec un argumentaire digne du meilleur manuel pour bon petit soldat néolibéral!
En tête de liste, le classique risque de faire partir nos pauvres riches et les conséquences désastreuses sur les gentilles entreprises pourvoyeuses d’emplois. A cela se rajoute que la récente augmentation de l’impôt foncier constitue déjà un effort pour ainsi dire surhumain imposé aux propriétaires d’immeubles de rendement à la peine. C’est certain, un tel argumentaire a de quoi arracher des larmes aux plus marxistes d’entre nous, ou pas.
L’augmentation de l’impôt foncier est en fait une mesure liée aux dernières réformes cantonales sur la fiscalité des personnes physiques et morales pour atténuer quelque peu l’impact financier colossal sur les communes. Réformes qui, cela va sans dire, profitent largement aux plus riches et aux entreprises. D’oser utiliser cette augmentation ne compensant que très légèrement une énorme perte fiscale qui justifiera à son tour de nouvelles mesures d’austérité pour combattre notre proposition d’une meilleure répartition des richesses, chapeau!, fallait le faire!
Choix arbitraire de critères
C’est avec ce genre d’idées que l’on voit la force de conviction de notre cher, oh oui très cher, Conseil d’État. Le Canton de Neuchâtel est pourtant au plus mal depuis plusieurs années, ce qui sert d’argument aux baisses successives de prestations. Notre solution aborde le problème dans un autre sens, en regardant du côté de celles et ceux qui en ont les moyens. Elle repose sur une répartition de l’effort collectif plus équitable, là où la fortune s’accroît.
Autre point croustillant de ce rapport, le volet des comparaisons intercantonales que l’on nous ressort désormais à toutes les sauces dès qu’une proposition plus sociale et plus juste pointe le bout du nez. Le Conseil d’État choisit arbitrairement trois critères qui vont dans son sens avec l’impôt sur la fortune, l’impôt foncier et l’impôt sur les successions. Mais comme de bien entendu, alors que la situation des entreprises sert d’exemple pour justifier le refus de la proposition popiste, l’impôt sur les personnes morales n’est pas comparé. Sûrement pas en raison du fait que Neuchâtel est un zélé pourfendeur de cet impôt et qu’il fait la course en tête depuis plusieurs années dans ce domaine menant aux abysses budgétaires… Le Conseil d’État a dû l’oublier, c’est vraiment dommage, car cet exemple aurait permis d’avoir une vision plus exhaustive de la situation des personnes morales à Neuchâtel.
La fortune des plus riches ne cesse d’augmenter, au même rythme que les inégalités sociales. L’impôt sur la fortune est très limité. Découlant de la conception que la richesse est forcément méritée, provenant du travail et de l’acharnement. Evidemment pas le travail du maçon qui s’est esquinté la santé ou de l’infirmière qui a donné sans compter pour sauver des vies. Mais celui de l’entrepreneur, de l’héritier et de l’actionnaire qui, d’ailleurs, bien souvent, sont les mêmes.
Cette vision purement idéologique ne tient pas compte de la réalité. La plupart de celles et ceux qui travaillent ne gagnent que le strict minimum pour survivre et ne pourront jamais avoir une véritable fortune, en tout cas pas du niveau qui serait impacté par l’initiative. Imposer la vraie fortune est bien plus juste et social que de réduire les prestations de l’État. Mais ça, ce gouvernement socialiste ne l’a visiblement toujours pas compris.