Après trois ans de tergiversations et d’imbroglios, le parlement vient de décider, après une conférence de conciliation, du sort qu’il entendait faire à l’initiative populaire «Multinationales responsables». Soutenue par 120 organisations, celle-ci veut obliger les multinationales ayant leur siège en Suisse à vérifier si leurs activités à l’étranger conduisent à des violations des droits humains et des standards environne- mentaux. Mais aussi à prendre des mesures pour y remédier et à rendre des comptes. Dans le cas où elles enfreignent leur devoir de diligence, elles pourraient être amenées à répondre de leurs manquements devant les tribunaux suisses.
Trop pour la droite économique suisse, qui a finalement décidé de privilégier un contre-projet a minima, en plébiscitant la version complètement édulcorée du Conseil des États. Alors que le National proposait déjà que seules les entreprises d’une certaine taille soient concernées avec des exigences réduites en matière de responsabilité, la chambre haute a encore baissé les critères. Les sénateurs ont ainsi décidé de ne pas réglementer explicitement la responsabilité de la maison-mère pour les entreprises contrôlées à l’étranger.
De plus, les obligations se limiteront à un devoir de diligence dans les domaines «minerais de conflit» et «travail des enfants». Enfin, seules les «sociétés d’intérêt public» devraient rédiger un rapport annuel. Le contrôle se baserait donc uniquement sur une brochure annuelle rédigée par les entreprises elles-mêmes, résume Humanrights.ch. Pour se justifier, la droite affirme que le contre-projet conforme au règlement de l’UE sur le sujet.
Vu de la gauche, des Verts ou d’associations, ce contre-projet du Conseil des États n’est qu’un alibi et les initiants sont décidés à maintenir leur initiative en prévision d’une votation probable en novembre. «Le contre-projet alibi n’apporte absolument aucune amélioration, mais a pour but de faire croire aux votant.e.s que l’initiative pour des multinationales responsables ne serait pas nécessaire», explique l’ONG Public Eye. Il leur reste six mois pour convaincre les électeur.trice.s de préférer l’original à une pâle et mauvaise copie.