«Cet arrêt total a des conséquences graves pour les actrices et acteurs culturels, pour qui les mesures mises en place sont faibles et limitées dans le temps. Si nos milieux étaient déjà précaires avant la crise, celle-ci ne fait qu’accroître cette réalité», alarme le communiqué du 27 avril de la FNAAC intitulé, Un désert culturel menace à l’horizon de la crise sanitaire. Respectivement secrétaire et trésorier de la Fédération, Matthieu Béguelin et Mathias Gautschi en proactifs chameliers culturels dessinent quelques oasis ou conditions souhaitées pour une «reprise culturelle».
Pro Helvetia et certains dicastères culturels cantonaux relèvent la capacité de résilience du secteur culturel.
Le milieu culturel est connu pour faire contre mauvaise fortune (financière) bon cœur, et produire un spectacle ou un évènement avec la moitié de ce qui était budgété. C’est à ça que Nicole Minder faisait allusion dans Le Temps du 26 avril dernier. Avec 39 millions à ventiler, la cheffe des Affaires culturelles du canton de Vaud est chargée de «sauver la culture vaudoise mise à genoux» par la crise sanitaire et le lock- out fédéral. C’est pratiquement toujours aux dépens des personnes engagées – comédiens, techniciens, agents, costumiers… – à qui on promet un salaire mais qui dépendra des rentrées. On ne discute presque jamais le prix des services ou du matériel acheté. Le temps peut s’offrir et non les biens, et c’est que font souvent les acteurs culturels pour rester visibles à tout prix.
Du point de vue d’une association d’acteurs culturels, nous nous battons pour que le «travailler plus pour gagner moins» qui se repose sur la rareté des places et le fait du prince (pour la décision d’attribution des subventions) fasse place à une politique claire et transparente de soutien, étayée par des critères publics. Et ce n’est pas «en faisant confiance à la résilience des acteurs» que l’importance non seulement économique, mais sociologique de la culture sera le mieux valorisée.
Un franc investi dans la culture en rapporterait trois à quatre, selon plusieurs études.
Le problème avec la seule approche économique de la culture, qui prévaut parfois dans les discours officiels, c’est qu’elle ne porte que sur l’aspect «monétarisable» de la culture. Or, les émotions ressenties face à une œuvre sont de l’ordre de l’immatériel, tout comme les bénéfices sociaux des assemblées constituées à l’occasion d’une représentation, d’un concert, d’une exposition ou d’un festival. Par ailleurs, la culture est un échange à somme positive, en ce sens que si quelqu’un transmet de la culture à une autre personne, il n’en a pas moins pour autant. C’est l’inverse avec l’argent et ça montre aussi les limites de cette approche uniquement économique.
Cela posé, le demi-confinement s’accompagnant de l’arrêt de toutes les activités culturelles, il est important que celles-ci puissent reprendre leur place et leurs différentes fonctions économique comme sociale ou intime dans les meilleures conditions possibles. La première, et sine qua non, étant d’avoir évité la disparition d’acteurs culturels faute de soutiens suffisants.
Que pensez-vous du document «Outils spécifiques de soutien à la culture selon l’ordonnance «COVID-19 Culture» sur le site de la Ville ?
Deux choses: l’explication des différentes possibilités est assez claire, bien que certains autres cantons aient fait largement mieux et plus beau, mais les liens aux différentes pages ne sont pas actifs. Ce qui vous oblige à refaire le chemin inverse et à trouver vous-même la rubrique. En termes de communication, «peut faire beaucoup mieux».
Vous réanimez l’idée émise en 2018 face à une hausse de la précarité, celle que l’Etat consacre au moins 1% de son budget au soutien d’activités culturelles.
Cette idée a été communiquée aux autorités à plusieurs reprises dans le cadre des différentes réunions tenues en lien avec la révision de la LEAC (Loi sur encouragement des activités culturelles – qui date de 1991). Le processus de révision est en cours, mais attendu qu’il n’a pu encore atteindre le stade de la mise en consultation, nous ne savons pas la position du Conseil d’Etat sur ce point.
D’où notre demande de ne pas attendre que la loi soit sur les pupitres des députés pour prendre cet engage ment. Cela dit, consacrer 1% du budget cantonal au soutien à la culture, représente une augmentation pérenne de 9.5 millions de francs. Somme à trouver sur un total de 2’200 millions annuels. C’est en soi raisonnable et faisable, pour peu que la volonté politique soit là.
Sur son site, Pro Helvetia propose le projet placebo Close Distance. Votre avis.
Cela fait écho à ce que préconisait Matthias Langhoff dans sa lettre ouverte Donner congé aux destructions de la culture, à savoir que l’Etat finance du travail de recherche, formelle d’une part quant à l’usage de médiums pour les arts vivants, mais aussi fondamentale. Que l’on quitte donc la logique de diffusion en termes de salles et tournées pour financer avant tout le travail artistique.
C’est une solution envisageable pour d’une part éviter que la création reste au point mort et, d’autre part, pour qu’il y ait une contrepartie créative aux indemnités. Mais il y a une limite incontournable, qui en fait un palliatif et non un modèle pérenne: les arts vivants résident dans l’immédiateté de la relation entre les artistes et les spectateurs.
Il y a en grande diversité culturelle en tailles subventionnements, publics. N’est-il pas urgent de fédérer les demandes, d’assurer leur coordination et suivi?
Notre fédération regroupe aussi bien des associations professionnelles que des lieux de diffusion, des entités de production et des individus. Nous sommes donc constitués dans une logique de rassemblement.
A ce titre, nous constatons qu’en l’occurrence, aucun lieu de diffusion n’a intérêt à voir les entités de production ou les actrices et acteurs culturels en tant qu’individus devoir cesser leurs activités. Les créations sont ce qui permet les saisons, opposer les deux nous paraît absurde.
Site: www.fnaac.ch