L’éducation en Suisse peut être influencée de différentes façons par l’économie. Des entreprises privées sont susceptibles de financer les enseignements et les recherches faites à l’Université. En 2012, la presse révélait que l’UBS s’était assurée une place importante à l’Institut des sciences économiques de l’université de Zurich, en investissant 150 millions dans 5 chaires d’enseignement en économie nationale. La banque s’offrait des droits exclusifs à l’Université, les chercheuse.eur.s devant régulièrement rencontrer des expert.e.s de l’UBS. S’accaparer un secteur jusqu’à présent public dans l’intérêt de profiter en premier lieu de la recherche, tout en influençant l’économie nationale, se réservant le droit de modifier le contenu des cours à son avantage, n’est pas anodin.
Démantèlement de la formation
Dans le Canton de Neuchâtel, le lien entre les coupes dans l’éducation et les finances publiques est particulièrement visible: les entreprises sont faiblement taxées. Ceci génère un manque de recettes qu’il faut combler par une réduction des coûts. Ces économies sont principalement réalisées dans l’éducation par la hausse des taxes d’étude. Ainsi toujours plus de filières disparaissent. La formation en école à plein temps, elle, se fait démanteler. Et des classes sont supprimées. A titre d’exemple, mentionnons la charge financière qu’implique le montant annuel de 9’000 francs fixé par le canton de Neuchâtel afin de suivre la formation pour le certificat cantonal d’assistant en gestion à l’Ecole de commerce Jean-Piaget. En 2015, par l’action «Touche pas à mon école», les Jeunes POP avaient voulu contrer cette dérive, malheureuse- ment sans succès. Certaines branches qui ne servent pas directement l’économie sont spécifiquement touchées. Ainsi la Haute Ecole de Musique neuchâteloise fermera ses portes. C’est aussi le cas du département d’archéologie de l’Université cantonale, dont les financements ont été drastiquement réduits.
L’éducation instrumentalisée
Ces exemples nous montrent que l’éducation est un outil pour l’économie capitaliste et qu’elle est soumise à sa logique de rentabilité. Et cela ne date pas d’hier. Durant la période 1870-1914, les cours d’histoire et de géographie étaient fort développés en Europe. Ces matières étaient utilisées pour renforcer le nationalisme, tout en développant le respect des institutions, l’amour de la patrie et l’appartenance à cette dernière. Dans cette même logique, la Suisse exige aussi un haut niveau de formation. En témoigne l’obligation, dans nombre de cas de réussir, une maturité professionnelle pour obtenir un CFC: sans maturité, pas de CFC. Les apprenti.e.s sont donc orienté.e.s vers les Hautes Ecoles dans le but de devenir des travailleuse.eur.s plus qualifié.e.s. Cet élitisme montre à quel point l’Ecole est au service du capitalisme.
Des apprenti.e.s sous exploitation
Pour l’économise suisse, les apprenti.e.s sont de la main-d’oeuvre bon marché, en sus d’être exploité.e.s par des patrons qui profitent de leur statut, voir les harcèlent. Selon l’Association romande des formateurs, une entreprise débourse en moyenne 86’415 francs en coûts de formation pour un apprentissage de 3 ans, mais réalise au final un bénéfice net de 8’713 francs. Les apprenti.e.s sont en moyenne aussi rentables que les autres employé.e.s au bout de 6 mois. Comment alors expliquer des salaires aussi bas et peu régulés? Comment justifier un salaire mensuel variant entre 200 et 400 francs à Neuchâtel pour les coiffuer.euse.s en première année, alors qu’ils.elles passent 4 jours en entreprise et une journée à l’école? Comment légitimer que mal- gré leur rentabilité, les apprenti.e.s soient traité.e.s comme des employé.e.s de seconde zone dans nombre d’entreprises, ainsi que l’illustre l’enquête d’Unia «Comment se passe ton apprentissage» de 2019, faisant état de harcèlement sexuel, surmenage ou stress? La réponse ne réside-t-elle pas notamment dans la recherche de profit intrinsèquement liée à notre système économique actuel? Pour les Jeunes POP, la réponse est affirmative.
Esprit critique et liberté de choix
Face à ces inégalités, il est plus qu’urgent que les droits des apprenti.e.s soient respectés, qu’ils.elles aient des salaires plus élevés et une meilleure protection de manière générale. Nous voulons une éducation émancipatrice, qui apprenne à développer l’esprit critique, une éducation respectueuse de la diversité des individus, une éducation sexuelle ouverte sur les questions de genres et d’attirance, une éducation qui s’adapte aux besoins de chacun.e.
Nous avons besoin d’apprendre pour la vie, pas pour les notes ou la satisfaction de l’économie. Nous voulons également que les étudiant.e.s puissent choisir leur formation en fonction de leurs préférences et qu’elle leur soit accessible, peu importe leurs moyens financiers, origine ou genre.
Mettre fin aux inégalités et à la peur
Il est complexe d’apprendre la solidarité et l’égalité dans un système basé sur l’exploitation et la concurrence. De même qu’il est terrible de devoir se battre pour augmenter le pourcentage que les travailleuse.eur.s touchent sur le fruit de leur labeur.
Un changement du système scolaire ne suffira pas à faire disparaître les inégalités et l’oppression. Pour cela, un changement sociétal est nécessaire, un changement qui visera à faire disparaître l’origine même de ces inégalités et asservissement. Il nous faut mettre fin à l’exploitation d’une personne par une autre, à la peur de perdre son travail, à la peur de perdre son logement et à la peur de ne pas être capable de subvenir à ses besoins.