Et le vote des médias?

Neuchâtel • En mettant en avant les candidats les plus éligibles dans ses colonnes, Arcinfo contribue à maintenir le statu quo politique. (Par Karim Boukhris)

La période électorale est marquée par la floraison de nombreuses annonces publicitaires payantes dans la presse. (Photo-montage de Une, DR)

Le 27 septembre dernier, un corédacteur en chef d’Arcinfo s’est expliqué sur les critères que son journal a retenu pour distinguer dix candidates et candidats aux élections fédérales.

Les personnes sélectionnées ont eu droit à une page d’entretien, ce qui leur a ainsi offert une visibilité accrue. Essentiellement, ce choix s’est porté sur les dix personnes ayant le plus de chance de représenter le canton de Neuchâtel au parlement fédéral.

Cette façon de procéder est celle de la rédaction et il est bien qu’elle s’en explique plutôt qu’elle s’en cache derrière une utopique impartialité journalistique.

Le pronostic établi par Arcinfo tient certes la route, mais en mettant en avant les personnes déjà susceptibles d’être élues, cela ne fait que réduire les chances, déjà fort minces ,des autres candidates et candidats.  C’est là une pratique courante puisque souvent la force électorale d’un parti sert de référence pour établir qu’elle sera leur place lors des campagnes électorales.

On remarquera qu’en agissant ainsi, les médias deviennent une force d’inertie: ils mettent en lumière les personnes bénéficiant déjà d’une certaine visibilité. Ils s’en félicitent eux-mêmes puisqu’ils ont récemment annoncé que la place des partis dans les médias collait parfaitement à leur force électorale.

Dans ce jeu de la sélection des personnes à mettre en avant, aucune rédaction ne s’est référée au niveau de transparence dans le financement de leur parti. Pour le bon fonctionnement d’une démocratie, il est important que le corps électoral sache par qui sont payées les campagnes électorales, qu’il sache de qui seront redevables les futurs élues et élus.

Or, dans l’ensemble des débats et entretiens, jamais la question n’a été posée. En occultant cet aspect, les médias libres et indépendants font le lit des partis financés de manière opaque par on ne sait vraiment qui.

Seule la RTS s’est penchée sur la transparence dans le financement des partis, sans reprendre pour autant ce critère dans les choix de ses invité-e-s. Cela lui aurait été d’autant plus facile qu’elle n’est pas tributaire de la publicité électorale.

A contrario et pour le seul Arcinfo, on peut estimer à plusieurs centaines de milliers de francs les recettes publicitaires générées par la présente élection. Ce sont là des revenus non négligeables. Mais cela constitue surtout une tentation de faire une place plus large aux partis payant le plus d’annonces. La presse et les médias en général ont un rôle à jouer dans le bon fonctionnement de la démocratie. Ils pourraient le faire en réservant leurs colonnes à celles et ceux qui annoncent clairement par qui ils sont payés. Ce serait là un acte civique salutaire.