Si Nathalie Faontanet peut compter sur le Tribun de Genève, le 2 Minutes ou encore le Taon pour voler au secours des entreprises et de leurs impôts, on aurait pu supposer la cause des travailleurs servie par l’Essentiel Autrement. Eh bien que pouic! L’unique quotidien romand revendiqué moins à droite souffre d’un complexe que ses collègues n’ont pas: l’autocensure. En clair, ce canard qui se prend pour un chat a toujours peur de ne pas être suffisamment «objectif». Conséquence: il ne l’est pas. Vous me direz, jusque-là aucune différence d’avec ses concurrents. Oui, seulement lui ne l’est pas au détriment de ceux qu’il croit défendre. Et ça c’est un tantinet gallinacée.
Dernier exemple en date: le 1er mai. Un 1er mai particulièrement réussi cette année un peu partout en Helvétie, y compris en république calvinoise où le cortège a impressionné jusqu’aux perdreaux. Le syndicat Omnia y a compté 6’000 manifestifs, la maréchaussée a prudemment avancé son 4’500. L’Essentiel Autrement, lui, n’en a vu que 2’500. Bon, ça ne change rien au fait qu’ils étaient là et plus nombreux. N’empêche. L’«objectivité» du canard tient au mieux du strabisme divergent, au pire de la poulerie intégrale.
L’épisode serait anecdotique, s’il ne trônait au sommet de foirades en série: grèves mal suivies et peu défendues, derniers mots d’articles régulièrement donnés au patronat (qui les tient déjà partout ailleurs), conférences de presse des syndicats boudées faute de pigiste… Bref: l’Essentiel Autrement a un lectorat pour le moins tolérant, puisqu’il lui pardonne des erreurs de jeunesse après 150 ans. Combien faudra-t-il encore de générations gâchées pour que le canard assume sa gauche… ou revienne franco à droite? Et quand je dis franco…
Poumesquement vôtre,
Renart
* Chronique tenue tous les 15 jours par Yves Mugny, auteur de La Faute au loup (éd. Cousu Mouche), www.yvesmugny.ch/
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Illustration: maou.ch