Le 13 mars, une motion populaire, forte de 1025 signatures provenant d’un groupe de citoyens issu des participants aux manifestations pour le climat, était déposée au Grand Conseil neuchâtelois. «Agissez pour un avenir viable et juste» en était le titre. Son contenu évoquait la menace d’effondrement sociétal et environnemental. Face à ce danger, les motionnaires demandent aux autorités «un ensemble de mesures radicales qui permettent, si nécessaire par des projets de lois ou de décrets, d’atteindre un bilan d’émissions nettes de gaz à effet de serre nul d’ici 2030». Par ailleurs, ils demandent au Grand Conseil «d’enjoindre le Conseil d’Etat de proposer l’instauration de l’état d’urgence climatique et écologique et la mise sur pied de processus démocratiques permettant l’évaluation des mesures adoptées». Le texte précise encore que «les membres du Grand Conseil sont la dernière génération d’élues et d’élus ayant la possibilité d’agir politiquement pour un avenir viable et juste pour toutes et tous».
Face au dérèglement climatique
Dans son développement, la motion rappelle que le dérèglement climatique est un fait. La menace qu’il fait peser sur notre pays, liée à la dépendance aux énergies fossiles, dont les stocks sont limités, est énorme. Pour les motionnaires, les intérêts environnementaux et sociaux doivent primer sur la maximisation des profits. L’urgence climatique impose des directions fortes et des investissements importants. Les auteurs proposent quelques mesures pour réduire à zéro les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. «L’effort doit porter sur les transports publics, dont l’accessibilité doit être renforcée en termes de desserte et de prix. Conjointement à cela, les communes doivent inciter à réduire fortement le trafic motorisé individuel dans les localités. Afin de diminuer les déplacements, des incitations financières à l’implantation de commerces de proximité proposant des produits locaux doivent être envisagées. Au niveau de l’alimentation toujours, les cantines relevant de l’Etat doivent être exemplaires et proposer un menu végétarien, bio et local». Dans l’enseignement, la sensibilisation à l’environnement et aux enjeux politiques qui y sont liés doit être inscrite au programme en tant que branche à part entière, soulignent-ils.
Ils affirment que «sous nos latitudes, une grande part de l’énergie est consommée par les bâtiments. L’efficacité énergétique des bâtiments doit être améliorée grâce à des rénovations, tout en bloquant une hausse opportuniste des loyers». Pour eux, «notre agriculture doit être soutenue avec une aide à la reconversion à l’agriculture biologique et durable».
Les auteurs estiment que les ressources financières de l’Etat et des institutions dépendantes de l’Etat ne doivent pas être investies dans des énergies fossiles. Ces investissements doivent se concentrer sur des secteurs durables. «Si les objectifs d’investissement mentionnés ne sont pas atteignables par manque de financement, le relèvement de l’impôt sur les contribuables les plus aisés (personnes morales comme physiques) doit être mis en place sous la forme d’un impôt progressif. Afin d’éviter la fuite de capitaux nécessaires pour financer la transition écologique, l’Etat doit par ailleurs faire pression sur les autres cantons pour obtenir une harmonisation des taux d’imposition des contribuables aisés».
Péril bien réel
Ces diverses propositions ne conviennent pas au Conseil d’Etat. Dans sa prise de position du 25 avril, il énumère les mesures prises par le canton en application des exigences du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC). Il en conclut qu’un bilan CO2 nul pour 2030 n’est pas réaliste. L’instauration de l’état d’urgence, pour le gouvernement, est une «remise en question des libertés et droits fondamentaux des Neuchâtelois-es (et qu’elle) n’est pas imaginable. Tout en saluant l’engagement de la jeunesse (sic), le Conseil d’Etat recommande le refus de la motion populaire.
La position du Conseil d’Etat se base sur la logique actuelle du «tout en fonction de mes propres intérêts». Pourtant le danger climatique et la perte de la biodiversité ne sont pas une fantaisie à la mode, comme le prétend Christoph Blocher, mais le déroulement inéluctable d’une destruction de nos possibilités de vie. Face à ce danger bien réel, deux solutions sont sur la table. On conserve les droits fondamentaux actuels et on se prépare à la fin de l’humanité ou on revoit notre notion des libertés et des droits fondamentaux et peut-être arriverons-nous à sauver une partie des êtres humains. Nous sommes curieux de connaître le sort que le parlement réservera à cette motion.