De ce grand rassemblement, nous retiendrons l’aspect populaire qui a permis à diverses sensibilités de se rejoindre afin d’exiger que les politiciens prennent les mesures nécessaires pour assurer des conditions de vie humaines sur la planète. Les partis politiques n’étaient pas autorisés à exposer leurs banderoles, mais chaque militante et militant pouvait défiler avec sa pancarte. Les slogans très diversifiés n’hésitaient pas à remettre en cause les actes qui sont à l’origine du dérèglement climatique: «Ce n’est pas le climat qu’il faut changer, mais le système».

Sur la Place des Halles, noire de monde, plusieurs personnes se sont exprimées de manière spontanée. Des jeunes, des vieux, des enfants, des femmes, des hommes, tous déroulants des propos rassembleurs marqués par l’utopie d’une reconversion de nos pratiques. Une ambiance constructive, chaleureuse qui nous change de la frénésie à la consommation. Cette manifestation laisse pantois la plupart des partis politiques davantage habitués à une organisation venue d’en haut et prévoyant l’ordre des discours et surtout la légitimité de ceux qui les prononcent.

Les jeunes veulent donner la parole à tous. Nous avons entendu un étudiant appeler les jeunes à se manifester lors des prochaines élections fédérales: «Il faudra aller voter si vous voulez qu’un changement se produise!»

Bien que les organisateurs veuillent éviter de se faire récupérer par les partis politiques, et ce, avec raison, ils ne sous-estiment pas la nécessité d’y avoir recours pour concrétiser le changement.

Il y a incontestablement des prises de conscience, qui s’élaborent dans les cerveaux des manifestantes et manifestants et qui semblent s’élargir. Dans ce «remue-méninges», le rôle des partis sera pourtant déterminant. Il s’agira d’écouter, de comprendre et d’oser remettre en cause certaines pratiques désormais désuètes. Il faudra oser proposer, par exemple, la modification de la Constitution pour contraindre l’économie à être au service de l’intérêt général et non l’inverse. L’être humain ne sera sauvé que s’il transforme ses pratiques nous disent les jeunes. Un orateur précisait même que l’Etat devrait nous contraindre à des changements de comportements, qui ne nous plaisent pas.

Détermination juvénile

C’est dans un même esprit de concordance, d’ouverture et de compréhension que le comité cantonal du POP neuchâtelois a reçu, à sa demande, un représentant de l’Alliance climatique. L’échange de propos a été productif d’une meilleure connaissance des spécificités de chacun et a abouti à la nécessité de trouver des projets concrets que les élus du POP pourraient relayer au parlement.

Les militants popistes étaient nombreux à la manifestation et ils se sentaient à l’aise avec les revendications des jeunes et moins jeunes. En voici quelques témoignages. Daniel Ziegler, président cantonal et député: «la détermination de ces jeunes, qui prennent leur avenir en main, m’impressionne et me remplit de joie. C’est un immense espoir. Car qui, mieux qu’eux, peut secouer leurs parents, notre génération engluée dans la logique de la consommation aveugle, qui détruit notre planète, le politique et les liens sociaux? Le POP doit absolument accompagner ce mouvement, cette promesse de changement, sans récupération politicienne, dans le respect de ce bel élan, en tant que relais politique».

Maria Belo, ancienne présidente et membre du législatif de La Chaux-de-Fonds: «J’ai aimé voir beaucoup de jeunes de même que des jeunes couples avec leurs enfants en poussette ou sur le dos malgré le froid. Il y avait des adultes de tout âge. Les jeunes étaient très impliqués dans la récolte de signatures pour leur Motion. Je pense qu’il faut continuer ces manifestations avec l’aide des adultes impliqués politiquement pour leur montrer qu’il faut changer l’actuelle majorité politique qui soutient les entreprises multinationales et contraint les paysans à la concurrence plutôt que de favoriser leur transition à la culture biologique».

German Osorio, secrétaire cantonal du POP: « C’était une manifestation très différente des manifs habituelles à Neuchâtel, les jeunes étaient très enthousiastes, les consignes et les discours originaux et percutants, l’organisation très flexible, la participation diversifiée et, en plus, on ne voyait pas les «chefs». Magnifique!».

 

Une motion populaire pour l’urgence climatique

Pour concrétiser leurs objectifs, les jeunes faisaient signer une motion populaire intitulée «Agissez pour un avenir viable et juste!». En préambule, celle-ci précise ses exigences: «Face à la menace d’effondrement sociétal et environnemental, nous, citoyennes et citoyens soussigné.e.s, demandons au Grand Conseil d’enjoindre le Conseil d’Etat de lui proposer un ensemble de mesures radicales qui permettent, (…) d’atteindre un bilan d’émissions nettes de gaz à effet de serre nul d’ici 2030. Nous demandons par ailleurs au Grand Conseil d’enjoindre le Conseil d’Etat de proposer l’instauration de l’état d’urgence climatique et écologique et la mise sur pied de processus démocratiques permettant l’évaluation des mesures adoptées.

En tant que représentant.e.s des citoyennes et citoyens de ce canton, vous, membres du Grand Conseil, êtes la dernière génération d’élu.e.s ayant la possibilité d’agir politiquement pour un avenir viable et juste, pour toutes et tous.»

Les motivations de la motion sont ainsi développées. «(…) Nous demandons une pesée des intérêts environnementaux et sociaux qui doivent primer sur la maximisation des profits, ainsi qu’une libération des énergies fossiles. Les motionnaires veulent que les communes prennent des mesures pour réduire le trafic motorisé et soutiennent les commerces de proximité. Concernant l’alimentation, l’Etat doit proposer des menus végétariens utilisant des produits locaux. La sensibilisation à l’environnement et aux enjeux politiques qui y sont liés doit être une branche à part entière. (…) L’agriculture doit être soutenue avec une aide à la reconversion à l’agriculture biologique et durable». Les jeunes insistent pour que l’Etat investisse dans des énergies fossiles et durables. «S’il manque des moyens financiers, le relèvement de l’impôt sur les contribuables les plus aisés (personnes morales comme physiques) doit être mis en place sous la forme d’un impôt progressif». Ils expriment aussi l’idée que l’Etat fasse pression sur les autres cantons pour obtenir une «harmonisation des taux d’imposition des contribuables aisés».