Le cadre est chic. La lumière avantageuse. Et chaque animal présent tient son croissant enrobé dans une serviette jaune et son café bio entre deux griffes. Au milieu des cravates un peu desserrées (ça vous friserait presque la canaille), un directeur de grosse entreprise vient de lâcher l’info : 45. Ah oui, quand même: 45! Ça veut donc dire que le lascar conserve encore 55% d’employés fixes… Nous voilà rassurés. Oui, parce que le 45 en question, c’est le pour-cent d’auxiliaires de l’employeur qui cause. Des salariés, donc. Mais des salariés qui sont payés à l’heure, quand on leur en donne. Et avec un montant horaire prévu quelque part entre 22 et 25 francs (pour les fins de carrière), ils ont intérêt à en faire un paquet, de ces heures, s’ils veulent continuer de loger pas trop loin de Cointrin.
Eh oui: la scène se déroule à l’aéroport de Genève. Et l’on y apprend ensuite, toujours du même employeur décidément bavard, que les travailleurs fixes qui lui restent sont désormais engagés à temps partiel… Quand on sait que les salaires d’un plein temps flottent quelque part entre 4’000 et 5’400 (pour les chefs, notez), le temps partiel en question doit tout de même régler le coût d’un studio, pour peu qu’il ne soit pas trop centré. Bon, si c’est le prix à payer pour rejoindre Madrid à 70 francs, la population genevoise sera évidemment prête au sacrifice. D’ailleurs, heureusement que les billets pour Madrid sont bien à 70 francs! Ça permet aux RH de Cointrin d’élargir, comme on dit, leur «bassin de recrutement».
Et dire qu’il y avait de mauvaises langues pour propulser Roblaire Deillon, ancien boss du site, tout en haut du podium des dumpeurs. Il peut désormais prendre sa retraite tranquille (à Madrid?): la relève est assurée…
Tarmaquement vôtre,
Renart
* Chronique tenue tous les 15 jours par Yves Mugny, auteur de La Faute au loup (éd. Cousu Mouche), www.yvesmugny.ch www.facebook.com/Yves.Mugny
Illustration: maou.ch