En finir avec les partis dirigés d’en haut!

Analyse • La crise française actuelle démontre les distorsions entre le peuple et ce qu’il est convenu d’appeler «les politiques». Dans un entretien réalisé cet été par la revue française «Regards», Lucien Sève apporte quelques solutions.

Le philosophe français constate que la présence de Marx est en hausse car la vague néolibérale qui a déferlé depuis les années soixante-dix a remis en lumière sa critique du capitalisme. Plusieurs objections traditionnelles s’effondrent comme par exemple l’accusation de productivisme, alors que les textes montrent à l’opposé, en Marx, un pionnier du souci écologique. Dans Le Capital, il écrit ainsi que le capitalisme «épuise à la fois la terre et le travailleur».

Dans cet œuvre, Lucien Sève découvre ce que Lénine appelait «la logique du Capital», qui est la dialectique de Hegel profondément retravaillée en sens matérialiste. «Dès ce moment, je deviens un enthousiaste de la dialectique, ce que je suis toujours» précise Lucien Sève, et il est stupéfait de constater combien peu de marxistes et plus largement d’intellectuels y portent attention. Au travers de son travail sur Marx, le philosophe voit donc dans celui-ci «un grand penseur de l’individualité, justement parce que grand penseur de la société – chose qui reste à mes yeux encore bien trop peu vue aujourd’hui».

Il souligne à quel point le souci de l’individu marque tout le communisme marxien. «Le communisme est (c’est-à-dire doit être) une forme de société supérieure dont le principe fondamental est le plein et libre développement de chaque individu», ce que le communisme historique a entièrement méconnu. Le communisme de Marx est, en même temps et au même degré, un individualisme car «il ne peut y avoir émancipation du genre humain qui ne soit en même temps celle de tous les individus. Point absolument capital pour ce qui est de nos tâches en ce XXIe siècle».

Remettre en question la verticalité du pouvoir

Pour changer la vie, il est indispensable de transformer le monde. Et «la grande erreur, n’est-ce pas justement d’opposer liberté individuelle et objectivité sociale?», se demande-t-il.

Les erreurs des partis communistes conventionnels se révèlent par ce qu’il appelle l’obsolescence de la forme-parti, avec sa foncière verticalité de pouvoir. «Comment peut-on faire avancer l’émancipation sociale générale, avec une organisation dont les acteurs ne peuvent avoir eux-mêmes la maîtrise?». Il s’agit en quelque sorte de repenser la façon de fabriquer du collectif.

Lucien Sève estime «qu’il faudrait jouer à fond la carte de la démocratie décisionnelle, qui exige en permanence vrai débat, vraie collectivité de réflexion. C’est difficile, mais c’est vital. (…) Des chefs, on n’en veut plus».

Face à un avenir incertain, Sève dit que «la multitude ne sera une force qu’en se donnant une cohérence. Or, nous vivons l’entrée historique du capitalisme en phase terminale, la tâche qui domine tout est donc l’invention concrète d’un post-capitalisme.

«Une énorme tâche du XXIe siècle qui ne s’accomplira pas d’un coup, comme en rêvait la révolution à l’ancienne, mais au contraire par enchaînement cohérent de grandes réformes révolutionnaires».

Cela commence par des luttes d’idées bien plus mordantes que ce qui se fait aujourd’hui. Il faut disqualifier le capitalisme, système exploiteur désormais insupportable et destructeur de la planète et de l’humanité. On peut, on doit se proposer de passer à une libre autogestion sociale généralisée, enfin émancipée de la tyrannie archaïque de l’actionnaire. Et c’est aussi pourquoi il importe d’en finir avec la forme-parti à direction d’en haut, pour développer des réseaux de collectifs, des lieux de formation en nombre, des citoyens responsables d’un communisme réinventé.

Des objectifs qui devraient intéresser plusieurs membres et sympathisant-e-s du PST/ POP.