«2’000 maçons sur le pont du Mont-Blanc, et lui et lui et lui… » Lui, c’est Nicolas Rufennec, le secrétaire de la Fédération des Métiers du Bâtiment (appelez-moi FMB). Soit le gardien du temple entrepreneurial genevois. Droit dans ses bottes (de chantier), il distribue ces 16 et 17 octobre la bonne parole patronale aux médias qui la cherchent. Et que dit-il au juste? Ben que ce n’est pas très très très gentil de bloquer comme ça la circulation. Bon, vous me direz, s’il lui arrive de traverser la ville à vélo (pour rester fit), M. Rufennec n’est certes pas un adepte des Verts. Que ceux-ci soient d’ailleurs Verts couleuvres ou Verts crotales. Pas plus qu’il n’affecte le rouge, le bleu ou même le blanc des drapeaux syndicaux défilant sous ses fenêtres. Et l’on peut admettre que, pour un secrétaire patronal, l’élan de sympathie soulevé par les maçons soit difficile à avaler. D’où sa campagne de discrédit public.
Là où son discours se radicalise (oh le vilain mot), c’est quand M. Rufennec parle de «population prise en otage», et dénie par là même le droit de faire grève dans la rue. L’argument est fourbe. Car ce même M. Rufennec ne voudrait pas davantage d’une grève sur ses chantiers, hurlant aussitôt aux violations pénales à gogo, telles que «contrainte» (pour les travailleurs des autres branches) ou «violation de domicile» (pour le propriétaire des lieux).
Bref, ces 16 et 17 octobre M. Ruffenec a fait son job d’ambassadeur patronal. Et il s’agit d’inviter les médias qui ont relayé ses propos, sans trop se poser de questions, à lui en poser quand même une: puisque la grève est un droit constitutionnel garanti, quelle serait la forme qu’elle devrait prendre pour trouver grâce à ses yeux? Et tant pis si la réponse tombe un peu à plat en ce centenaire de la Grève générale suisse, puisque M. Rufennec ne peut au mieux tolérer qu’un rassemblement pas trop bruyant, un dimanche et sur la place des Nations. Là où, assurément, ni les camions à béton ni les vélos de la FMB ne se verront jamais incommodés…
Maçonnesquement vôtre,
Renart
Chronique tenue tous les 15 jours par Yves Mugny, auteur de La Faute au loup (éd. Cousu Mouche),
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Illustration: maou.ch