Le géant Nestlé, basé à Vevey, veut supprimer 580 emplois vaudois principalement dans le domaine de l’informatique, pour les délocaliser en Espagne, où il trouverait mieux les compétences qu’il recherche, dit-il, mais qui est aussi moins chère. En février, l’entreprise suscitait déjà la polémique en réduisant son soutien à la culture dans la ville de la Riviera. Dans les deux cas, la réaction des autorités locales et/ou de la presse a été vive. Le conseiller d’Etat Philippe Leuba a d’ailleurs demandé et obtenu cette semaine un rendez-vous avec la multinationale. La démarche aura-t-elle un impact significatif? Rien n’est moins sûr. Malgré ses promesses de continuer à investir dans le pays, Nestlé montre en effet qu’elle ne craint pas, ou plus, de négliger son ancrage Suisse et local.
D’aucuns y voient la patte du nouveau PDG depuis 2017, Mark Schneider. Une nomination qui avait créé la surprise. En effet, depuis 1922 la multinationale n’avait «jamais fait appel à un patron qui n’ait pas baigné dans la ‘culture Nestlé’ durant de nombreuses années», écrivait alors Le Temps. Mark Schneider, lui, est allemand et américain, a étudié l’économie et la gestion d’entreprise à Saint-Gall et Harvard et a fait sa carrière dans une entreprise médicale en Allemagne.
De fait, il semble correspondre à peu de choses près au nouveau type de profil décrit par l’Observatoire des élites suisses de l’Université de Lausanne, dans un ouvrage paru en 2016. Celui-ci constate comment, avec l’internationalisation et la financiarisation de l’économie, depuis les années 90, les grandes sociétés suisses troquent de plus en plus des patrons parfois paternalistes, ayant souvent étudié le droit et fait toute leur carrière dans l’entreprise, contre des étrangers ou Suisses au parcours international provenant de formations en économie ou en gestion d’entreprise, à l’image de Tidjane Thiam, nommé à Crédit Suisse. En parallèle, l’importance d’un ancrage national et local diminue pour ces sociétés, qui visent aussi de plus en plus la maximisation de la valeur actionnariale, au mépris des salariés.
Autre élément qui semble accompagner cette évolution, une propension accrue à écarter les syndicats de la table des négociations. Nestlé s’inscrit-elle dans cette tendance générale? De fait, lors du récent conflit lié aux horaires de travail à Nespresso, Nestlé a refusé de discuter avec UNIA. Quant aux récentes annonces de suppression d’emplois, une porte-parole a déjà affirmé à La Liberté que Nestlé «ne comptait pas inviter Unia à sa table». Dans tous les cas, pour les salariés, le combat s’annonce rude, même s’ils pourront compter sur l’importance que la Suisse conserve malgré tout pour l’image de la multinationale.