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Voir également notre article « Deux projets concrets de fusion sur la table«
Dimanche, les Suisses ont rejeté à 52,7% la réforme des retraites PV2020. Si le non a été interprété par la majorité comme le résultat de la campagne du PLR et de l’UDC, la gauche de la gauche revendique aussi la victoire. «Contrairement à ce que tente de faire croire la droite, ce rejet n’est pas le fait de celles et ceux qui considéraient cette réforme comme trop ‘généreuse’ et irresponsable. (…) Les catégories populaires ont été sensibles aux arguments de gauche et ont refusé la dilapidation de leurs cotisations dans le panier percé du 2ème pilier», clamait dimanche le comité référendaire de gauche.
Permanent à solidaritéS, Sébastien Schnyder estime que «le non de droite est minoritaire. Il y a un non féministe contre l’augmentation de l’âge de la retraite et un non plus général, social, opposé à la détérioration des retraites».«On passe comme chat sur braise sur le non des femmes», souligne à son tour Christiane Jaquet, présidente de l’association de retraités AVIVO. Un récent sondage Tamedia montre d’ailleurs que 58% d’entre elles auraient refusé la réforme et que le rejet émanerait plutôt des revenus modestes et moyens. La gauche opposée à PV2020 compte ainsi bien faire partie des interlocuteurs qu’Alain Berset a annoncé vouloir inviter autour d’une table, insiste Sébastien Schnyder.
Fusionner 1er et 2eme piliers
Mais avec quel plan B? Pour l’heure, tout le monde semble s’accorder sur une chose: il faut renforcer l’AVS. Elle fonctionne selon un système par répartition (les cotisations d’une année paient les rentes de l’année suivante), contrairement au 2ème pilier qui table sur la capitalisation individuelle, demande d’importants frais de gestion du fait des près de 900 milliards qu’il accumule et est tributaire de rendements liés à l’évolution des marchés financiers. Il dépend aussi du salaire perçu durant la vie active, désavantageant les femmes, alors que le l’AVS est bien plus solidaire: les cotisations, paritaires, s’élèvent au même pourcentage pour tout-e-s, mais les rentes sont plafonnées. Enfin, le premier pilier s’est révélé bien plus solide que le second puisqu’il parvient à financer les rentes depuis plus de 40 ans, sans augmentation des cotisations.
Le PST/POP et solidaritéS réfléchissent de longue date à une intégration du 2ème pilier dans le premier et proposent chacun un projet d’initiative concret (voir notre article). L’idée n’est pas nouvelle. En 1972, l’initiative du parti du travail «Pour une véritable retraite populaire» demandait la même chose. Mais l’institutionnalisation du 2ème pilier lui avait alors été préférée. «Depuis, le PST n’a jamais changé de position», explique Christiane Jaquet, membre du parti. L’AVIVO Suisse, qu’elle préside, soutient elle aussi l’idée de longue date.
Quid des chances de succès d’un tel projet? «Il faut tenter la chose, revendiquer beaucoup pour obtenir peut-être un peu moins», déclare Jeannot Liesi, secrétaire national du PST, se montrant lucide sur le rapport de force en présence. Même son de cloche du coté de solidaritéS: «Il s’agit d’un gros défi, mais avec la victoire de dimanche, il y a un potentiel pour développer ces arguments, c’est une opportunité qu’il faut saisir», estime Sébastien Schnyder. Pour l’heure, tous deux considèrent cependant leurs projets comme des apports à une discussion plus large qui devra avoir lieu avec l’ensemble des acteurs intéressés à gauche. Le PST a déjà convié à une réunion le 4 novembre prochain, et des assises des retraites seront convoquées pour le 9 décembre, sous l’égide du comité de gauche contre PV2020.
«Il n’y a pas d’urgence»
Pour Pablo Cruchon, l’un des porte-parole de ce comité, les éléments de base de la discussion pourraient être les suivants: «Renforcer le 1er pilier, notamment en lui affectant les mesures de consolidation prévues par PV2020 pour le 2ème pilier, refuser une baisse des rentes, et renoncer à toute hausse de l’âge de la retraite et de la TVA». Et d’imaginer des pistes comme le remplacement de la hausse de la TVA par la fiscalité directe ou une taxe sur les dividendes.
Christiane Jaquet, de l’AVIVO, avance quant à elle «un refus de toute augmentation de l’âge de la retraite et un renforcement du 1er pilier afin que celui-ci respecte la Constitution», comme base de discussion. «Les inégalités de revenu et de salaire entre homme et femmes doivent disparaître», martèle quant à lui le comité national des femmes contre PV2020. Vice-président de la CGAS (communauté genevoise d’action syndicale) Alessandro Pelizzari envisage aussi des discussions autour d’un renforcement de l’AVS. Il considère toutefois que «notre rôle était avant tout d’éviter une réforme qui représentait un recul majeur» et qu’«il n’y a pas d’urgence à précipiter un nouveau projet ou à aligner les plans B».
«Les chambres fédérales doivent entendre le message du jour: NON au relèvement de l’âge de la retraite, NON à la baisse du taux de conversion du 2ème pilier, NON à la taxe antisociale qu’est la TVA», assénait le comité de gauche contre PV2020 dimanche. Au vu des propositions lancées par la droite depuis: augmenter l’âge de la retraite des femmes et la TVA, renoncer aux 70 francs dans l’AVS et baisser le taux de conversion du 2ème pilier, le message ne semble pas encore tout à fait passé.