Les défenseurs de PV2020, dont le PS, affirment que la réforme maintiendra les rentes tout en assainissant les finances de l’AVS. Pourquoi l’AVIVO s’y oppose-t-elle?
Christiane Jaquet Par le passé, une baisse du taux de conversion du 2ème pilier de 6,8 à 6,4 a été combattue par le PS et refusée par la population. Or, ce parti soutient maintenant une baisse de ce taux de 6,8 à 6 en affirmant que les rentes ne vont pas baisser? Les rentes du 2ème pilier vont être réduites de 12%! L’augmentation de 70 francs de l’AVS, censée compenser, n’y suffira pas. Par ailleurs, ces 70 francs pour les nouveaux retraités coûteront 1,2 milliard par an, au moment où on impose un an de travail de plus aux femmes pour économiser 1,3 milliard par an! Enfin, on nous avertit déjà qu’il faudra revoir tout ça dans 10 ans. Jusqu’à quand ces 70 francs seront-ils versés? On ne le sait pas.
Le financement complexe du projet, en plus des hausses de cotisations, comprend aussi une première hausse de TVA de 0,3 point puis une deuxième identique. On sait combien la TVA est la taxe la plus antisociale. Au cours des interminables débats parlementaires, Alain Berset a en plus clairement dit que cela ne suffira pas à garantir l’équilibre du «paquet».
Mais alors comment assainir les finances de l’AVS?
En prévision des années 2020 et 2030, il faut revoir l’assiette des cotisations de l’AVS par une légère augmentation des primes paritaires qui sont de 4% depuis longtemps et surtout en y soumettant aussi les revenus financiers, qui ne participent pas actuellement. Depuis 1975, l’AVS a été volontairement endiguée: on n’a augmenté ni les cotisations, ni les rentes pendant plus de 40 ans. C’est grâce à son exemplaire et solidaire système par répartition que l’AVS a tenu le coup et même engrangé des réserves. Les cotisations payées durant un an paient les rentes de l’année suivante. C’est simple et transparent.
On devrait plutôt s’inquiéter pour le 2ème pilier. Il accumule certes un capital faramineux de 900 milliards, mais les rendements ne sont plus ce qu’ils étaient et ne le seront plus. On passe comme chat sur braise sur la dégringolade de ce système de capitalisation, car il enrichit les gestionnaires de fortune et les banquiers qui participent à la gestion des fonds de pension. C’est 5,4 milliards qui vont directement dans leurs poches chaque année et qui sont payés par les cotisations LPP.
Les 70 francs supplémentaires dans l’AVS ne représentent-ils pas justement une occasion de renforcer le 1er pilier par rapport au deuxième?
Ces 70 francs sont censés compenser les pertes pour les futurs retraités, vu la baisse drastique du taux de conversion dans le deuxième pilier et malgré la hausse des cotisations. On camoufle ainsi que la prévoyance vieillesse s’étiole et on utilise l’AVS comme roue de secours du 2ème pilier. Lors de sa création, c’est le 2ème pilier qui était censé compléter les rentes du premier…
En introduisant une rente différenciée entre actuels retraités qui ne reçoivent rien et nouveaux, on attente de plus au principe de l’universalité des rentes AVS, ouvrant ainsi la porte à des dérives potentielles. Ce qui se prépare est un démantèlement. Au lieu d’appliquer enfin l’article 112 al.2 litt.b de la Constitution, selon lequel les rentes AVS doivent couvrir les besoins vitaux, on pourrait transformer l’AVS en «prestations complémentaires bis», donnée seulement aux plus pauvres et selon certaines conditions.
Les défenseurs du projet soulignent également que les personnes, souvent des femmes, qui travaillent à temps partiel, donc avec des bas salaires, pourront cotiser plus rapidement dans le 2ème pilier. N’est-ce pas une amélioration?
Oui, c’est un progrès vu l’exclusion actuelle dans le 2ème pilier de nombre de salariés à temps partiel, mais il est modeste. Notons également qu’avec un renforcement de l’AVS, il n’y aurait pas ce problème, car toute personne qui gagne plus de 2000 francs par an cotise. Cela aurait été beaucoup plus efficace. C’est d’ailleurs dans l’AVS qu’il y a le moins de différence de rentes entre les hommes et les femmes par rapport à ce qu’ils ont payé.
Certains affirment qu’il sera impossible d’obtenir un meilleur compromis, étant donné la droite majoritaire aux Chambres fédérales. Que répondez-vous?
Ils disent en somme aux électeurs qu’ils perdent leur temps en votant pour ceux qui ne sont pas à droite? Aujourd’hui c’est le peuple qui a la parole et c’est bien pour ça que nous avons participé au lancement du référendum. Et il a abouti. Le défaitisme ne fait qu’encourager déception et découragement.
Cela fait 20 ans qu’il n’y a pas eu de compromis sur le sujet…
Il y a eu des propositions, mais qui ont été balayées parce que l’on a été incapable de proposer, comme c’est encore le cas aujourd’hui, un projet porteur. On sait très bien que la population est très attachée à l’AVS. Pascal Couchepin en avait d’ailleurs pris conscience et avait demandé au professeur Bonoli de l’IDHEAP un rapport sur la façon dont les pays voisins étaient parvenus à des modifications sur la question des retraites. Celui-ci a conclu qu’étant donné l’attachement des suisses à l’AVS, toute proposition de réforme devrait amener, en plus des restrictions envisagées, quelques menues propositions favorables aux yeux de groupes qu’il faudrait convaincre. C’est exactement ce qui est en train d’être fait. Dès le départ nous nous sommes opposés à cette vision, en soulignant la nécessité de renforcer l’AVS. Tout d’abord pour respecter la Constitution, mais aussi face à un 2e pilier vacillant.
Justement, à quoi en est votre proposition de faire glisser progressivement le 2e pilier dans le premier?
C’est un projet de longue date de l’AVIVO, porté également par le POP et solidaritéS, mais qui a besoin d’être mieux connu afin de recevoir des appuis supplémentaires. Il est l’héritier de l’initiative pour des retraites populaires du PdT/POP de 1972, qui avait été soutenue dans un premier temps par le PS et les syndicats avant que ceux-ci ne renoncent. Le 2èmepilier avait alors été introduit. A cette époque, on a expliqué aux gens qu’ils auraient 60% de leur salaire en guise de retraite. Aujourd’hui, 60% du salaire médian représente 3767 francs. Dans les régions où les loyers sont chers et au moment où les primes d’assurance maladie explosent, cela ne suffit pas. A l’AVIVO, on voit d’ailleurs augmenter la précarité des retraités. Il y a également 330’000 personnes qui doivent actuellement recourir aux prestations complémentaires faute de pouvoir couvrir leurs besoins vitaux, sans compter les 20 à 30% des personnes qui ne les demandent pas, parce qu’ils ont honte d’être pauvres ou ne savent pas que cela existe. Avec notre initiative pour faire glisser le 2ème pilier dans le 1er, la rente minimale AVS serait déjà de 4000 francs.
Comment convaincre les personnes de gauche qui ne savent pas encore quoi voter le 24 septembre?
J’aimerais tout d’abord rappeler que l’on a jamais rien obtenu sans combattre. Exigée lors de la grève de 1918, l’AVS n’est née qu’en 1947! Ensuite, je constate que le syndicalisme a de plus en plus de peine à s’imposer. A la moindre restructuration, la première chose que les patrons disent c’est: «On ne veut pas discuter avec les syndicats». Et ces derniers choisissent ce moment pour accepter un «paquet» qui propose d’augmenter le temps de travail – un an de plus pour les femmes et flexibilisation des rentes entre 62 et 70 ans! Que vont devenir les conventions collectives qu’ils ont déjà signées et qui fixent une retraite à 60 ans? Comment vont-ils en obtenir de nouvelles? Les patrons sauront leur rappeler qu’ils étaient bien d’accord avec PV2020!
Le compromis sur les retraites met en cause les fondamentaux des luttes de gauche comme la durée du temps de travail, l’âge de la retraite, l’égalité entre hommes et femmes, la solidarité et non pas le chacun pour soi comme le prône le 2ème pilier, la lutte contre le chômage. L’actuelle campagne permet de rappeler ces fondamentaux si visiblement maltraités. Et de le dire clairement en votant deux fois NON. C’est ainsi que l’on préparera l’après 24 septembre.