«City Plaza est le meilleur hôtel d’Athènes, peut-être de toute l’Europe… Il héberge la solidarité, l’estime de soi, les capacités créatives de l’humain…» Ce sont les mots de Konstantina Kouneva, eurodéputée Syriza, qui appelle les autorités à maintenir cette structure d’accueil de réfugiés. City Plaza était un hôtel trois-étoiles avec 100 chambres, situé dans un quartier populaire pas loin du centre-ville de la capitale grecque. La société de gérance de l’hôtel ayant fait faillite au début de la crise, les employés ont été empêchés par la propriétaire de mettre l’équipement aux enchères et de récupérer ainsi une partie de leur salaire non payé. L’hôtel est resté abandonné pendant sept ans.
Un peu plus loin, sur la place du quartier, la place Victoria, des dizaines des réfugiés campaient sous des tentes improvisées. Des militants du mouvement de soutien aux migrants ont donc occupé le City Plaza ensemble avec des réfugiés et procédé à quelques réparations. Ils ont transformé l’hôtel en une structure d’accueil, qui depuis avril 2016 ne désemplit pas. 100 familles y vivent actuellement, c’est-à-dire quelque 400 personnes, dont 170 enfants. Ces gens sont venues de Syrie, d’Afghanistan, d’Iran, du Kurdistan, d’Irak, de Palestine et du Pakistan. La plupart d’entre eux conçoivent la Grèce comme une étape de leur voyage vers l’Allemagne, l’Autriche, la Scandinavie ou la France, où ils ont souvent des proches. Dès qu’une famille peut partir, une autre prend sa place. La liste d’attente est quatre fois plus longue que la capacité d’accueil.
On se relaie pour préparer les repas
Le City Plaza est autogéré. Personne n’est rémunéré, réfugiés et militants assument solidairement les tâches domestiques. Tout le monde est censé s’inscrire -sans y être contraint- sur une liste d’équipes de quatre personnes qui assument à tour de rôle la préparation des repas. Ceux-ci sont pris collectivement dans la grande salle, qui sert également de salle de fête aux différents groupes ethniques selon le calendrier des événements importants dans leur culture. On discute de la gestion de la maison lors d’assemblées hebdomadaires, auxquelles participent les usagers, les bénévoles, les responsables de groupes de travail ainsi que des intervenants de l’extérieur. Chaque famille a une chambre à elle. On y est serrés, mais les gens ont enfin un chez soi, un lieu où ils peuvent avoir un peu d’intimité. Les usagers reçoivent des produits d’hygiène et de quoi faire leur lessive personnelle dans la chambre, les draps étant lavés à l’extérieur.
Il y a une infirmerie, et des médecins bénévoles peuvent être appelés pour donner les soins d’urgence et organiser la suite du traitement, au besoin à l’hôpital. Des bénévoles veillent à la scolarisation des enfants, leur donnent des cours de la langue maternelle et de grec et d’anglais, et leur proposent des activités éducatives ou ludiques. Un lieu d’agrément est le bar du City Plaza, qui propose des boissons sans alcool. Nous y avons vu des résidents discuter, communiquer au smartphone ou jouer au backgammon. Beaucoup ressentent comme une expérience enrichissante de pouvoir s’entendre avec des gens dont au départ ils ignorent la langue. Une attention particulière est portée à la sécurité: à la conciergerie, deux jeunes se renseignent sur le but de notre passage, avant de nous aiguiller vers la réception, où deux responsables nous ont aimablement expliqué le fonctionnement de la maison. Les dons en nature sont bienvenus, ainsi que des dons en argent provenant de particuliers, mais non d’organisations.
Le parquet s’en mêle
Le City Plaza montre qu’il est possible d’accueillir les réfugiés plus dignement que ce qui se passe actuellement. Occuper des bâtiments désaffectés ou même louer des appartements vacants pour y loger les réfugiés reviendrait moins cher que de viabiliser un terrain à la périphérie et d’y créer un ghetto de containers ou de baraques préfabriquées. Les militants et les milieux progressistes demandent la multiplication de structures d’accueil comme le City Plaza. Malheureusement, la propriétaire du bâtiment, une femme très riche grâce aux bons rapports qu’avait son père avec la dictature des colonels, entend maintenant récupérer son bien. Le parquet a déjà sommé les militants du City Plaza d’évacuer les lieux. La solution ne peut être que politique, et on espère que les autorités permettront au City Plaza de continuer.