Elles se battent contre la violence, les meurtres, l’esclavage sexuel, les viols, les discriminations, les injustices, les inégalités, le mépris que des femmes vivent en particulier en Afrique, en Amérique centrale ou au Moyen-Orient. En défendant leurs droits, ces rebelles courageuses, qui ont vécu des situations tragiques, défendent aussi les droits humains pour tous, les hommes n’étant pas épargnés non plus s’ils sont d’une autre ethnie, d’une autre religion, d’une autre civilisation ou s’opposent aux régimes répressifs.
Onze militantes engagées
Manon Schick, journaliste et directrice générale de la section suisse d’Amnesty International, dresse le portrait de onze militantes engagées qui ont elles-mêmes vécu des situations dramatiques mais n’abandonnent pas la lutte, dans leur pays respectif ou réfugiées à l’étranger. Elle n’hésite pas à émailler ici et là son récit de considérations personnelles et de comparer sa situation, celle d’une femme née en Suisse «au moment où les femmes sont, dans la loi tout au moins, les égales des hommes», avec la leur. Elle dit n’avoir pas vécu elle-même de discrimination parce qu’elle est femme, mais se souvient néanmoins, qu’«il n’y a pas si longtemps, rien de tout cela n’était évident» et ne nie pas que des problèmes subsistent ici aussi, car les droits humains, et ceux des femmes en particulier, ne sont jamais définitivement acquis.
Pourtant, c’est de ces activistes qui travaillent dans l’ombre, qui ont survécu à l’horreur, l’emprisonnement, les menaces, et symbolisent chacune une violation spécifique des droits de la femme que Manon Schick veut parler afin d’amener à une prise de conscience et à un soutien; car seule la solidarité internationale et la pression que nous pouvons exercer depuis l’extérieur leur permettent certains succès.
Actrices du changement
Jackie en Colombie, qui a perdu son père, son mari, son frère, victimes de la guerre civile, lutte en faveur des droits des femmes les plus pauvres et les plus vulnérables, contre la faim, les viols, contre les armes et la guerre, dans un pays où les défenseurs des droits humains sont toujours en danger, hommes ou femmes. Nareen, Irakienne, soutient depuis l’Allemagne où elle s’est réfugiée la communauté Yézidis, une ethnie quasi inconnue du monde, pratiquant une des plus anciennes religions monothéistes, victime des combattants de l’Etat islamique. Elle parle de génocide: les hommes tués, les femmes réduites à l’esclavage sexuel, l’obligation de se convertir à l’islam. Comment les aider? En offrant l’asile à celles qui ont pu s’échapper, dit-elle. Dans la province de Chihuahua au Mexique, des femmes et des jeunes filles sont enlevées, violées, torturées, tuées parce qu’elles sont femmes. Marisela, réfugiée aux Etats-Unis, a créé une association qui s’occupe de dénoncer les assassinats et de venir en aide aux familles des victimes.
C’est les homosexuelles que défend l’Ougandaise Kasha. Elle est le visage de la communauté gay, pas seulement en Ouganda, mais dans toute l’Afrique. Des «viols correctifs» prétendent apprendre à être de vraies femmes; des appels à la haine, au bannissement, ont débuté avec l’arrivée de groupes évangéliques des USA. Kasha doit vivre dans la clandestinité. Les hommes homosexuels disposent généralement d’un peu plus de liberté. Mais en 2009, un député veut introduire la peine capitale pour homosexualité; la Cour constitutionnelle invalide la loi.
Lutter sur tous les fronts
Justine, au Congo, lutte contre cette arme de guerre silencieuse et bon marché que sont les corps des femmes: chaque partie en conflit se l’approprie et en abuse, ce qui n’a rien de nouveau, et fut le cas en Europe aussi lors de la dernière guerre. L’avocate Müzeyyen Nergiz défend, elle, les femmes victimes de violence domestique, physique ou sexuelle, si répandue et admise en Turquie que nombreuses sont celles qui n’ont même pas conscience de la subir. Quant à China, elle a été recrutée à huit ans comme soldat en Ouganda. Ce qu’elle croyait un jeu se transforme en cauchemar. Les filles sont encore plus vulnérables que les garçons parce que, violées par leurs supérieurs, elles tombent enceintes.
Son premier enfant, China l’a à 14 ans, le deuxième à 18 ans. Elle réussit à fuir, atterrira au Danemark où elle doit réapprendre à vivre. Elle écrit un livre, rencontre des présidents, le secrétaire général de l’ONU, bref se bat contre le recrutement d’enfants soldats. Et puis il y aussi Amal de Syrie qui fonde «FemmeS pour la paix»; Serkalen, journaliste et éditrice, Ethiopienne, dont le mari est en détention et qui des Etats-Unis défend les médias indépendants; la Tunisienne Radhia qui se bat pour la liberté d’expression et contre le système patriarcal de son pays; Leila qui vise à renforcer les droits humains dans les pays du Moyen-Orient, notamment en Iran.
Ces femmes s’engagent dans l’anonymat et loin des trompettes de la renommée; elles sont l’honneur de l’humanité et mériteraient Césars, Oscars et Globe de l’espoir!
Manon Schick, Mes héroïnes, des femmes qui s’engagent, éditions Favre, 123 pages, janvier 2017