Qu’attend-on du ou de la prochaine présidente des Etats-Unis? Qu’il relance l’emploi? Qu’il réchauffe les relations avec la Russie, la Chine ou l’Amérique latine? Qu’il poursuive les efforts en vue de réduire l’empreinte écologique des Américains? Nullement. A consulter les médias couvrant la campagne, aux Etats-Unis comme en Suisse, il semble qu’on attende avant tout de lui qu’il se comporte bien avec les femmes. Le sexisme de Trump constitue donc, avec l’affaire des emails de Clinton, les deux seuls objets faisant débat dans cette campagne d’une vacuité abyssale et d’une indigence hors normes.
Comme nous sommes aux Etats-Unis, la question de la moralité des candidats est primordiale. Au fond, on reproche moins à Trump ses idées politiques que son absence de moralité vis-à-vis des femmes. C’est pour sa misogynie qu’on l’attaque, pas pour sa vision politique et ses projets, pourtant critiquables. Que les deux candidats soient compétents, qu’ils maîtrisent leurs dossiers ou puissent afficher un bilan positif semblent peser bien peu face à l’exigence de probité qui repose sur eux. Alors que les enjeux géopolitiques sont colossaux, on semble avant tout attendre du prochain président qu’il ne discrimine personne, qu’il soit bien élevé pourrait-on dire, qu’il affiche de bonnes manières. Que sa vie privée, surtout, soit irréprochable, conforme aux normes morales en vigueur.
Rien ne semble devoir arrêter cette lame de fond morale qui emporte tout avec elle, à commencer par le débat d’idées, totalement étouffé, inexistant.
La Suisse est encore, mais pour combien de temps, relativement épargnée par cette vague qui empoisonne la démocratie. Récemment, l’ancien Président du PDC Christophe Darbellay a confessé, dans une dramaturgie toute yankee, sa «grave faute» ayant consisté à donner naissance à un enfant hors-mariage. Candidat au gouvernement valaisan, l’homme ne devrait pas pâtir de cet écart, il faut s’en réjouir! Cette tendance à juger l’action publique à l’aune de comportements privés (moralité familiale, fidélité, consommation d’alcool, fréquentation de l’Église, demain de la salle de sport…), loin d’être un progrès, constitue au contraire une dégénérescence de la démocratie.