Si Haendel, compositeur d’opéras et de musique sacrée, est resté célèbre, son presque contemporain, Johann Adolph Hasse, Allemand comme lui, à la carrière internationalement reconnue dans le monde musical de son époque, a complètement disparu du répertoire. Le contre-ténor Max Emanuel Cencic a fait revivre son opéra Siroe, Roi de perse, en 2014 à l’Opéra Royal du Château de Versailles et la redécouverte de cette œuvre oubliée a créé l’événement. Lausanne en offre la première suisse, mais deux soirs seulement, les 9 et 11 novembre.
60 opéras et une abondante musique sacrée
Hasse, né près de Hambourg en 1699, était considéré de son vivant comme un des maîtres de l’opera seria italien. S’il a débuté sa carrière de chanteur et de compositeur en Allemagne, il ira parfaire sa formation en Italie où il se lie d’amitié avec Scarlatti et rencontre les célèbres castrats de l’époque dont Farinelli, pour qui il écrira certains airs. Il épouse une cantatrice renommée, Faustina Bordoni, qui était née à Venise, où le couple finira par s’établir après avoir passé par Dresde, Vienne, et diverses villes italiennes. Hasse y mourra en 1783, deux ans après sa femme. Il avait abjuré le luthéranisme pour se convertir au catholicisme et composa, outre une soixante d’opéras, une abondante musique sacrée. Hasse a fréquenté les grands musiciens de son époque: il a rencontré Bach; Haydn lui soumet sa partition du Stabat Mater; Leopold Mozart qualifie Hasse de «père de la musique», mais Hasse, entendant une œuvre écrite à 14 ans par son fils, Wolfgang Amadeus Mozart, ne s’y trompera pas et déclare: «Ce jeune homme nous fera tous oublier». Et lui, Hasse, malgré sa réputation, fut en effet oublié! On peut se demander pourquoi. En tout cas, les amateurs de belles voix, de grands airs virtuoses avec force vocalises, de bel canto colorature peuvent se réjouir!
Un conte détaché de la réalité
Il y a une part de vérité historique dans le livret de l’opéra Siroe (il n’est pas inintéressant de savoir que Haendel a lui aussi écrit un opéra sur ce sujet.) En fait, Siroe, fils aîné de Cosroe, devint roi de Perse en 628 après avoir tué son père parce que celui-ci avait injustement légué sa succession à son fils cadet. Mais dans l’opéra où, à la lutte pour le pouvoir, s’ajoutent des amours contrariées, le bien l’emporte sur le mal avec un final «qui célèbre les vertus du pardon et de la loyauté morale incarnée par Siroe», très loin donc de la vérité historique! Cencic, qui a ressuscité l’œuvre et qui, non seulement, tient le rôle-titre mais en est le producteur et le metteur en scène, précise du reste que «ce conte se passe dans une Perse détachée de la réalité où les protagonistes sont inventés».
Une mise en valeur unanimement admirée
Le rôle de Siroe a été écrit pour un castrat et c’est la remise en l’honneur de la technique de contre-ténor qui permet de faire jouer aujourd’hui comme jadis ce personnage à un homme, le rendant ainsi beaucoup plus crédible. Max Emanuel Cencic estime que, malgré le côté haute-voltige de la partie vocale, celle-ci est remarquablement écrite pour les voix parce que Hasse était lui-même chanteur. Quant à la partie instrumentale, ce sera celle de la deuxième version de Siroe donnée à Venise en 1783; elle est enrichie, par rapport à la première version de 1733, de diverses combinaisons d’instruments à vent. Elle bénéficie d’une mise en valeur unanimement admirée de l’ensemble Armonia Atenea et de son chef George Petrou, à la direction et au clavecin. A Lausanne, Cencic ne reprend pas sa mise en scène, du reste diversement critiquée, des représentations au Château de Versailles, mais propose une «mise en espace», avec lumières, vidéos et chanteurs en costumes. En revanche on entendra la même distribution avec les sopranos russes Julia Lezhneva et Dilhyara Idrisova, les mezzo-sopranos roumaine Roxana Constantinescu et grecque Mary-Ellen Nesi, le ténor espagnol Juan Sancho, et le même orchestre. A noter qu’il existe un enregistrement de Siroe par ces interprètes réalisé chez Decca en 2014.