Considéré comme le premier opéra même si, sept ans auparavant, un certain Peri avait écrit une Eurydice, l’Orfeo de Monteverdi consacra la réputation d’un compositeur déjà connu pour ses madrigaux et sa musique religieuse. Donné dans le cadre du carnaval de Mantoue au palais des Gonzague où le compositeur était maître de chapelle, il remporte d’emblée un grand succès. Pourtant des puristes conservateurs dénoncent cette musique moderne «désagréable à l’oreille, ne tenant aucun compte des saints principes ayant trait à la mesure et au but de la musique.» L’Orfeo, comme du reste toute la musique de Monteverdi, devra attendre 1907 pour ressortir de l’oubli grâce à la Schola cantorum de Vincet d’Indy qui en donna une version abrégée.
Dire en musique
En fait Monteverdi, né à Crémone en 1567 et mort à Venise en 1643, se situe à la charnière entre la Renaissance et le baroque. Sans renier le style polyphonique contrapuntique, la prima prattica, il ose ce qu’il appelle la seconda prattica, c’est à dire des effets dramatiques nouveaux, des chromatismes, des dissonances, des monodies simplement accompagnées d’une basse. La mélodie épouse le texte, du récitatif à l’arioso et à l’air. Par ailleurs il va donner une importance nouvelle aux instruments dont il met en valeur la spécificité, la couleur, le registre, pour exprimer les affects (affetti) d’un texte, autrement dit émouvoir, surprendre, transcrire en musique le sens des paroles, les émotions, les passions. Il fait intervenir aussi des chœurs qui, comme dans le théâtre de la Grèce antique, commentent l’action. «Le spectacle fut inhabituel puisque les acteurs dirent leur partie en musique», note l’un des observateurs. Les cinq actes de l’Orfeo font se succéder solos, duos, ensembles, chœurs, parties orchestrales, qui définissent dorénavant ce genre nouveau qu’est l’opéra.
Les débuts de l’art «lyrique»
Le mythe d’Orphée perdant Eurydice à la sortie des Enfers marque ainsi les débuts de l’art «lyrique», un terme qui doit son nom précisément à la «lyre» d’or associée à la figure d’Orphée. Le pouvoir de la musique, au centre de l’action, est évoqué dès le premier acte avec le personnage allégorique de La Musica, chanté à l’époque par un castrat. Le livret original de l’opéra de Monteverdi se terminait par la mise à mort d’Orphée par les Ménades (ou Bacchantes) furieuses de ce qu’il ait décidé de renoncer à jamais à l’amour des femmes – les pages musicales de cette fin tragique semblent être perdues –, mais Monteverdi composa un autre dénouement: Apollon, le père d’Orphée, au demeurant dieu de la musique et des arts, emmène son fils au Ciel d’où il pourra contempler l’image d’Eurydice parmi les étoiles.
A Lausanne, Orfeo, qui avait été donné en version de concert en 2013, ouvre la saison de l’Opéra du 2 au 12 octobre avec Fernando Guimaraes dans le rôle-titre, Ottavio Dantone à la direction, l’OCL, les chœurs de l’Opéra de Lausanne conduit par Antonio Greco; la mise en scène sera de Robert Carsen, une première pour cet artiste qui fête ses trente ans de carrière.
Opéra de Lausanne, les 2 (17h), 5(19h), 7 (20h), 9 (15h) et 12 (19h) octobre.www.opera-lausanne.ch