Chaque année, les assureurs jouent les magiciens et prétendent prévoir qui sera malade ou non l’année suivante et combien cela va coûter, puis ils fixent les primes selon ces critères mystérieux. Ainsi, les primes sont toujours plus chères, les assureurs toujours plus arrogants et les assurés toujours plus noyés dans l’opacité des calculs. Jusqu’à quand peut-on accepter une telle situation?
Peu après la défaite de l’initiative pour une caisse publique en 2014, un groupe de personnes, réunies autour de conseillers d’Etat, de médecins et de la Fédération romande des consommateurs (FRC), a cherché d’autres solutions. Il s’agissait de trouver un nouveau système d’application plus équitable, qui ne déroge pas à la LAMal. En résumé, d’offrir une solution technique au problème de la sélection des risques et de l’accumulation des réserves. C’est vers un système connu, reconnu et qui fonctionne bien, que la réflexion du groupe s’est orientée: les caisses de compensation. On connaît leur efficacité dans l’AVS et dans l’assurance chômage. Pour cette dernière, les caisses de compensation ont permis de renoncer avec succès à toutes sortes de primes différenciées et complexes. Voilà pourquoi le groupe propose un vrai modèle cantonal pour l’assurance maladie obligatoire, qui maintient l’existence des caisses actuelles. C’est un système permettant de fixer les primes cantonales calculées sur la base des coûts réels vérifiés par les cantons.
Offrir un système logique et pragmatique
Il ne s’agit pas d’un saut dans le vide mais bel et bien de l’instauration d’une application qui a fait ses preuves: une caisse de compensation cantonale ou régionale qui fixe et encaisse les primes. Ainsi, le lien entre les coûts et les primes devient transparent et clair. Cette caisse de compensation pourrait être aussi bien une structure autonome de droit public qu’être de droit privé avec une implication des pouvoirs publics dans la structure. Ce modèle respecterait ainsi au plus près la volonté populaire, puisqu’il laisserait toute latitude aux citoyens – qui sont tous des assurés – de chaque canton d’adopter ou non ce système sur leur territoire. En parlant de caisse régionale, on laisse la porte ouverte à de petits cantons qui pourraient collaborer entre eux pour atteindre une masse critique optimale. Dans le domaine des réserves, on assisterait à leur mutualisation, on éviterait ainsi la création artificielle d’un niveau élevé de réserves et l’utilisation de celles-ci à des fins de stratégies commerciales incontrôlables. Les réserves ne correspondraient plus alors qu’à un objectif, celui de pallier un renchérissement exceptionnel et subit des coûts de la santé qui surviendrait durant les deux années séparant le calcul des primes et leur bouclement. L’importance des réserves pourrait ainsi diminuer massivement et influencer favorablement le montant des primes. Ajoutons encore que les classes de primes pour enfants, adolescents et adultes sont maintenues, tout comme les franchises à choix, les modèles «médecin de famille», réseau de soins ou télémédecine.
Passer d’une assurance maladie à une assurance santé
Il est prévu que les caisses actuelles restent en activité. L’avantage essentiel pour les assurés est que les changements annuels de caisses et leur cohorte de démarches administratives deviennent superflus, puisque la prime deviendrait identique pour toutes les caisses du canton. Le choix d’une caisse maladie se ferait sur la seule base de la réelle qualité du service pour le patient et de la rapidité du remboursement des factures après leur contrôle. Notons que les postes de travail sont aussi conservés. Grâce au nouveau système, des mesures de prévention pourraient enfin se développer et non pas seulement, comme aujourd’hui, en faveur de fringants trentenaires à qui les assurances offrent un abonnement de fitness, s’assurant ainsi une clientèle en pleine forme et peu coûteuse. Le nouveau projet permettrait, par exemple, de financer des mesures de prévention des chutes chez les personnes âgées, un secteur qui préoccupe peu les assureurs car ce n’est pas vraiment la clientèle qu’ils recherchent. Ce projet est mis en consultation dans toute la Suisse auprès des associations, des partis et des citoyens jusqu’à la fin du mois de mai. Santésuisse, le syndicat des assureurs, et Curafutura du PLR Ignazio Cassis ont, sans surprise, déjà exprimé leur désaccord. En fonction des résultats de la consultation, l’initiative sera lancée au niveau fédéral afin de permettre qu’un tel système soit autorisé dans les cantons qui le souhaitent. Aux côtés de la FRC, on trouve le Mouvement populaire des familles (MPF), l’AVIVO, la FARES (Fédération des associations de retraités), les conseillers d’Etat Pierre-Yves Maillard (VD), Mauro Poggia (GE), Michel Thentz (JU, jusque fin 2015) et Laurent Kurth (NE) ainsi que nombre de médecins.