Présentée comme inéluctable, la réforme de l’imposition des entreprises (qui passe d’un taux de 22,3% à 13,7%) dans le canton de Vaud est largement favorable aux milieux économiques. Les mesures compensatoires négociées par le Conseil d’Etat révèlent une fois encore, une inégale répartition des responsabilités sociales. En guise de compensation, le Conseil d’Etat prétend avoir négocié des contreparties, comme les allocations pour enfants et jeunes en formation, l’accueil de jour, les subsides d’assurance maladie et la protection des travailleurs de la construction. Ces mesures sociales continueront cependant à être financées en partie par l’Etat. La réforme provoque ainsi un double transfert de charges vers la collectivité: celle des pertes fiscales effectives et celles du financement des compensations, sans compter les conséquences à long terme d’une austérité programmée. Qui en subira le plus les conséquences?
Droit aux prestations remis en cause
Depuis plusieurs années, on nous dit que le coût de l’aide sociale augmente. Ce constat s’accompagne souvent d’une stigmatisation des bénéficiaires: motivation, absence de qualifications, pauvreté apparaissent le plus souvent comme des problèmes individuels et non pas comme la conséquence d’un marché de l’emploi toujours plus sélectif. Avec ce discours, le droit à certaines prestations est ainsi remis en cause. Le marché du travail n’est pourtant pas étranger à l’augmentation de ces coûts: des salaires trop bas, des contrats à durée déterminée plongeant nombre de travailleur.euse.s dans l’incertitude (et la nécessité de recourir à des compléments sociaux), un accès aux places d’apprentissage ultrasélectif, une discrimination à l’embauche pour les étranger.ère.s aux statuts précaires. S’il est certain que ces personnes seront les premières victimes des pertes fiscales engendrées, ce n’est pas ainsi qu’on nous présentera les choses. Pour justifier une diminution des prestations, il faudra bien leur trouver quelques défauts de plus.
Parmi ces mesures sociales de compensation, il y en a une qui manque cruellement dans la négociation. Depuis 2016, le SPAS (Service de prévoyance et d’aide sociales) a mis en place nombre de mesures visant à «rendre conformes» les bénéficiaires du RI (revenu d’insertion) au marché de l’emploi pour les insérer, et ainsi les faire disparaître des chiffres de l’aide sociale. Ces mesures étaient au départ destinées aux jeunes sans formation, pour ensuite se généraliser à l’ensemble des bénéficiaires. Plusieurs recherches sur ces programmes pointent la tendance actuelle à activer les bénéficiaires de manière contraignante, sans en faire autant avec les employeurs. Les bénéficiaires se voient contraints de participer, contrairement aux entreprises qui elles ne répondent qu’à des incitations. La réforme actuelle n’est qu’une illustration de plus de ce fait. L’Etat aurait pu par exemple, soutenir les personnes les plus faibles en exigeant un engagement ferme des employeurs à soutenir la formation professionnelle, conçue comme un droit pour toutes et tous. La réforme va dans le sens inverse. Les milieux économiques feront des économies réelles d’argent, et des concessions symboliques en termes de responsabilité sociale vis-à-vis d’une population qui devrait être au cœur de sa raison d’être.