Il est essentiel de mettre fin à la politique d’austérité

Syndicats • L’Italien Luca Visentini vient d’être élu à Paris nouveau secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats (CES), qui regroupe 88 organisations membres issues de 37 pays européens comme la CGT française ou l’USS suisse, ainsi que 10 fédérations syndicales, représentant plus de 60 millions de membres. Elle est reconnue par l’Union européenne, par le Conseil de l’Europe et l’Association européenne de libre-échange comme seule organisation syndicale interprofessionnelle européenne représentative. Interview. (Paru dans Madrid Syndical, CCOO, par Alfonso Roldan. Traduit de l’espagnol par Joël Depommier)

Agé de 46 ans, l’Italien Luca Visentini est le nouvel homme fort du syndicalisme européen.

Paru dans Madrid Syndical, CCOO, par Alfonso Roldan. Traduit de l’espagnol par Joël Depommier

Votre formation est philosophique et vous avez écrit plusieurs recueils de poésie. Qu’est-ce que vous voulez mettre en évidence de votre carrière?
Je suis passé directement de la philosophie au monde syndical. J’ai aussi continué à publier des livres de poésie au cours de mon activité syndicale, que j’ai débutée à 19 ans. Ma première expérience s’est déroulée dans la Fédération du commerce, tourisme et des services privés du Frioul-Vénétie, qui se trouve se trouve sur la frontière avec l’Autriche, la Slovénie et la Croatie. Ensuite, je suis devenu secrétaire général de la Confédération de ma région avant de prendre des responsabilités au niveau européen. J’ai été président du Conseil interrégional syndical italien et croate et récemment président interrégional de la CES. Je suis habitué à me rendre à Bruxelles très souvent pour traiter des questions européennes.

Amènerez-vous des changements profonds dans la CES?
Le changement que nous voulons faire part d’une analyse objective. Nous avons détecté aussi bien des problèmes fondamentaux externes que d’organisation interne. Tout d’abord, la gouvernance européenne a exclu les syndicats des décisions importantes, de sorte que nous n’avons pu influer de changement de direction. Nous devons donc atteindre est de participer à cette gouvernance. En ce qui concerne la CES, nous devons renforcer notre stratégie de politique syndical et pour cela, changer certains mécanismes dans nos rouages. Nous avons une excellente occasion de faire ces changements. En plus de la parité dans nos organes de gestion, nous allons aussi renouveler notre direction, qui aura une moyenne d’âge de quarante-cinq ans. Nous avons aussi eu des discussions sur l’importance de renforcer la participation démocratique de nos membres, de changer notre message et notre langage. Nous devons repenser nos mobilisations pour qu’elles soient plus efficaces. Le Congrès de la CES qui vient de se dérouler à Paris marquera un avant et un après dans le syndicalisme européen.

Les syndicats de l’Europe de l’Est disent se sentir relégués. Etes-vous d’accord avec cette vision?
Je ne suis d’accord que partiellement. Il ya un problème de l’équilibre géographique de pouvoir au sein de la Confédération européenne, parce que notre organisation est née quand l’Europe était petite. Il existe aussi un problème de différences de système d’organisation, de relations industrielles, de contrats collectifs ou de dialogue social entre nos membres.

Entre le nord et le sud, est-ce que vous pensez qu’il existe des différences notables?
Oui. Nous sommes divers avec des formes d’activités syndicales de conception différentes et avec des lois différentes dans chaque pays. Si on pense au débat sur la négociation collective et le salaire minimum, les différences sont moins entre le nord et sud, qu’entre groupes de pays. Même s’il existe différents modèles syndicaux, il faut valoriser la diversité. De ces différences s’alimentent la richesse de points de vue et le partage d’expériences afin de nous homogénéiser avec flexibilité.

Quelles seront vos priorités en tant que secrétaire général?
Le chômage est sûrement la priorité absolue. Il est impossible de lutter contre ce fléau sans prendre des mesures économiques. Pour cela, il est essentiel de mettre fin à la politique d’austérité. Elle est un fardeau majeur. L’investissement public est essentiel. Deuxièmement, nous devons relancer la demande intérieure, et pour cela, il faut que les salaires croissent. Nous devons aussi créer un système de négociation collective et de salaire minimum. Il s’agit de facteurs démocratiques. Le troisième pilier doit être la relance du modèle social européen. Celui-ci protège les droits sociaux, les droits civils et du travail, la protection sociale, le système de retraite, la santé publique et les services publics. Ce modèle n’est pas un obstacle à la croissance, mais un facteur qui facilite la compétitivité en Europe. Nous devons approfondir la cohésion européenne contre la xénophobie, le racisme et le sentiment anti-européen.

En ce qui concerne la question de l’immigration, comment ce problème doit-il être abordé dans le syndicalisme européen?

Jusqu’à présent, j’ai été responsable de l’immigration et de la mobilité à la CES. Au cours des quatre dernières années, nous avons fait un travail remarquable. Nous avons expliqué à nos membres que l’immigration était une bonne chose. Les travailleurs migrants paient leurs impôts et cotisations sociales, ce qui permet la pérennité des systèmes de protection sociale face au déclin démographique dans de nombreux pays européens. Sans l’immigration, notre système ne serait pas viable. Son apport est essentiel et nous avons besoin de changer le discours existant. La xénophobie et le racisme n’ont aucun fondement. Il faut faire un travail politique d’intégration culturelle pour que les travailleurs européens ne voient pas l’immigré comme quelqu’un qui vient leur voler leurs emplois.
Les jeunes et les femmes sont aussi les victimes de la précarité. Avez-vous une formule magique pour lutter contre cette exclusion?
Il n’y a pas de formules magiques, mais cela a été un thème central de notre congrès. Nous allons modifier nos statuts afin que les femmes et les jeunes aient plus de représentativité. C’est une question fondamentale pour l’avenir, car il s’agit d’une nouvelle catégorie de travailleurs. Actuellement, les seuls outils disponibles pour faire face à l’insécurité sont la négociation collective et les politiques de protection.