Dernière polémique en date: que 20% du budget de la Conférence de Paris soit aux mains de sponsors et entreprises privés, accusées d’être en grande partie responsables des émissions de gaz à effet de serre, a de quoi inquiéter. «Dans un tel contexte, la mise en place et le respect de mesures pour lutter contre le réchauffement climatique sont-elles possibles?» dénoncent en chœur des associations comme Les Amis de la Terre, Attac, le Corporate Europe Observatory ou encore 350.org. Pourtant, la conférence internationale, qui doit permettre à François Hollande de redorer ou de verdir son blason, est importante. Il s’agira de la 21ème conférence des Parties (COP21) de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Rappelons que celle-ci est née du sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992 et a été ratifiée par 96 parties prenantes à la Convention. La Conférence de Paris sera également la 11ème session du CMP11 (Conférence des parties du Protocole de Kyoto). Tous les pays ayant adhéré au Protocole doivent veiller à la réduction de gaz à effet de serre, tandis que les parties prenantes de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques s’engagent à lutter contre le réchauffement climatique dont l’homme est responsable. Les objectifs des deux entités concordent donc sur la réduction des gaz à effet de serre, considérés comme la principale cause du réchauffement climatique.
Selon le Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les températures de surfaces ont augmenté de 0,85°C entre 1880 et 2012. Les températures pourraient encore augmenter entre 0,3 et 4,8°C d’ici 2100. Selon les conclusions de son 5ème rapport, les émissions mondiales de gaz à effet de serre (CO2, méthane, protoxyde d’azote) devraient même être réduites de 40 à 70% entre 2010 et 2050, et disparaître totalement d’ici 2100. D’où l’importance de la conférence de Paris. Le premier objectif de la COP21 est de maintenir le réchauffement climatique à 2°C d’ici 2100. Pour ce faire, chaque pays doit publier sa contribution, annonçant les efforts nationaux pour lesquels il est prêt à s’investir pour la période après 2020. Ces contributions seront rassemblées et synthétisées par le secrétariat de la Convention-cadre des Nations-Unies, afin d’évaluer les effets cumulés et durables de telles mesures. Les engagements des Etats seront complétés par l’Agenda des solutions, désormais guidé par le Plan Lima-Paris suite à la COP20 qui s’est déroulée dans la capitale péruvienne et qui regroupe des acteurs gouvernementaux et non-gouvernementaux afin d’encourager davantage de parties prenantes à s’engager dans cette lutte contre le réchauffement climatique. Pour sa part, la Suisse prévoit de produire 50% d’émissions en moins d’ici à 2030 (par rapport à 1990), dont au moins 30% sur son territoire et le reste via des mesures de réduction d’émissions à l’étranger. C’est encore insuffisant, car elle présente des capacités économies, technologies et financières élevées.
«Il est déjà clair aussi que les contributions nationales ne seront pas suffisantes pour rester sous la barre des 2°C. D’après l’Agence internationale de l’énergie, les contributions initiales ne permettront de parcourir qu’un tiers du chemin», accuse le Réseau action climat-France, qui fait partie du Climate action network (CAN) qui regroupe 450 organisations environnementales. Près de 40’000 participants sont attendus lors de la Conférence de Paris, qui se tiendra sur le site du Bourget. «Il s’agit du plus grand événement diplomatique accueilli par la France et également de l’une des plus grandes conférences climatiques jamais organisées», se rengorge le site de l’événement.
5 millions de morts par année
Reste que la nécessité de trouver des solutions et d’avoir des engagements de la part des Etats est urgente quand on sait qu’en 25 ans de négociations sur le climat, les émissions de gaz à effets de serre…ont augmenté de 60%. Rappelons que le réchauffement climatique est responsable de millions de morts chaque année. L’ONG humanitaire Dara dresse un bilan qui fait froid dans le dos: 5 millions de morts chaque année seraient liées au réchauffement climatique, et d’ici 2030, c’est 100 millions de personnes qui pourraient en être victimes. De quoi inciter à la mobilisation. Le temps n’est donc plus aux tergiversations. «Il faut changer de paradigme, rompre avec la manière actuelle de mener les négociations climat. Tant que l’attention reste centrée sur les objectifs à long terme, sur la question du caractère contraignant ou non des traités internationaux, les véritables problèmes ne sont pas traités. Comment, par quelles technologies et à l’aide de quels dispositifs réglementaires, produire une énergie plus propre? Comment organiser la reconversion des secteurs industriels qui dépendent aujourd’hui des énergies fossiles. Ce sont des questions concrètes, matérielles, et auxquelles des réponses doivent être apportées. Il faut donc re-matérialiser et re-territorialiser le cœur des négociations, les ancrer dans les réalités de notre monde et dans les luttes sociales, dans les territoires», estime Stefan Aykut, politologue et sociologue des sciences et co-auteur du livre Gouverner le climat? 20 ans de négociations internationales.
«Il est aussi urgent de désenclaver le climat, c’est-à-dire créer des passerelles entre les négociations climatiques et d’autres arènes et organisations internationales, où se prennent chaque jour des décisions qui affectent le climat. Cela concerne le fonctionnement de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et la façon dont on met en place les prochains rounds de libéralisation, la Banque mondiale et son soutien financier à des technologies polluantes, et les institutions qui régulent la mondialisation financière, pour ne donner que quelques exemples», explique encore l’intellectuel. Néolibéralisme et protection du climat, jamais la distance n’a été si grande entre des objectifs commerciaux et environnementaux.