A Loos, petite ville française de la région de Lille, je rencontre François Verdonck (principal adjoint de Daniel Rondelaere, ancien maire PS de la ville durant 22 ans et évincé en 2014), David Dupont (responsable) et Malika Msakoum (personnalité civile). La discussion porte sur la défaite du Parti socialiste aux élections municipales de mars 2014, dans une mairie traditionnellement de gauche et sur les changements intervenus depuis l’élection d’Anne Voiturier (divers-droite).
Au deuxième tour, une triangulaire (PS/divers-droite/FN), a priori pas forcément perdue d’avance, mais où la porosité entre la droite et l’extrême-droite, qui s’est exposée pendant toute la campagne, a brouillé les règles. François Verdonck explique que «dans ces cas-là, habituellement, les électeurs du FN votent pour leur candidat afin de bien montrer leur appartenance, mais cette fois-ci, et c’est le cas dans de nombreuses communes, leurs voix se sont reportées sur la droite. Il y avait une volonté clairement affichée de battre la gauche à tout prix, de plus les idées défendues par le candidat de Marine Le Pen et celui de la droite étaient très proches. Aujourd’hui on a plus honte de voter FN, on l’affiche ouvertement, les propos xénophobes et racistes sont monnaie courante». De fait, le candidat «Rassemblement Bleu Marine» qui avait récolté 13.40% des suffrages au premier tour a vu son score passer à 7.44% au deuxième tour à l’avantage d’Anne Voiturier.
François Verdonck ne mâche pas ses mots, pour lui, le premier motif du changement à la tête de la mairie est un «désamour de la gauche lié à la politique du gouvernement». Les statistiques des résultats montrent clairement qu’entre 2012 (année des présidentielles) et 2014, le Parti socialiste a perdu quasiment 20 points, passant de 63% des votes pour Hollande à 45% pour Rondelaere dans le quartier des Oliveaux, bastion populaire de la ville. Une sanction qui s’est aussi traduite par une abstention massive de l’électorat de gauche alors que la droite a mobilisé ses troupes et cristallisé toute l’attention autour de deux thèmes: le changement et les Roms.
Le changement d’abord: la durée du mandat de Daniel Rondelaere (22 années) a systématiquement été mise en avant comme étant un élément négatif en tant que tel sans forcément reprendre des éléments concrets du bilan. «On a bourré le crâne des gens avec l’idée qu’il fallait de nouvelles têtes, de nouvelles personnes. Alors que les électeurs étaient plutôt satisfaits des politiques menées» commente Malika Msakoum.
Les Roms ensuite: la présence d’un camp de Roms sur la municipalité (certains arrivés depuis huit ans, sur un terrain excentré mais sans contact, donc sans difficulté avec la population) est tout à coup devenue un problème majeur, le thème de la sécurité une obsession et la peur a commencé à s’installer pour se transformer en haine. Malika Msakoum d’enchaîner «on sentait les gens prêts à prendre des bâtons et à aller casser du Rom». Paradoxalement, les enfants roms ont commencé à être scolarisés sans aucune opposition. Des informations fausses, comme le fait que de nouveaux Roms avaient été accueillis, qu’ils recevaient de l’argent etc, ont été colportées. Anne Voiturier réclamait un référendum sur la question au Maire. Ici, François Verdonck et David Dupont avouent qu’ils n’ont pas réalisé l’impact que ce dossier aurait sur les résultats. Pour eux, il n’y avait pas de «problème rom, cinq/six familles allaient être relogées, tout se passait bien».
Et maintenant ?
Pendant la campagne beaucoup de promesses ont été faites par la nouvelle équipe dont le souci principal est de réduire le budget de la mairie- qui n’a pas emprunté un centime sur la dernière législature (2008-2013)- et dont les finances sont équilibrées. Plus d’une année après le scrutin et la victoire d’Anne Voiturier, la réduction budgétaire est en marche, ou peut-être devrais-je nuancer, les aides et les subventions dont les familles les plus modestes bénéficiaient sont en diminution, comme c’est le cas, par exemple, pour le centre aéré: son coût a augmenté et la flexibilité des horaires, cruciale pour beaucoup de parents qui travaillent au Centre hospitalier régional (CHR) à deux pas, perdue. En effet, les enfants doivent être inscrits pour la semaine ou pas du tout (ce qui représente un coût élevé) alors qu’avant des demi-journées étaient possibles. Le prix du repas à la cantine a également était revu à la hausse, les classes vertes supprimées, les transports pour les enfants entre l’école et la cantine en hiver sont sur le grill, tandis que ceux qui permettaient aux enfants ne partant pas en vacances de se rendre au centre aéré ont disparu. Un immeuble qui avait vocation à accueillir des logements sociaux deviendra finalement un hôtel, censé héberger les conférenciers du CHR qui sans aucun doute ne souhaiteront pas être logés sur Lille. La liste est longue.
Je leur demande alors ce que la population pense de toutes ces mesures, s’il y a des réactions. Malika Msakoum, spontanée et vive, répond que non, qu’elle ne comprend pas les parents qui semblent «résignés». François Verdonck explique et nuance. «Anne Voiturier est avocate, elle impressionne par son savoir et son verbe. La majorité des habitants sont d’origine modeste sur la commune. Il faut dire aussi qu’elle joue de son métier, dans le journal de la mairie, elle annonce régulièrement qu’elle a ou qu’elle va porter plainte contre x ou y. Elle a instauré un climat de peur, les gens ne veulent pas de représailles». Pourtant, lors des élections départementales en mars 2015, la tendance de la diminution des votes à gauche ne s’est pas accentuée, au contraire et le différentiel entre la gauche et la droite entre 2014 et 2015 est passé de 6.99% à 2.34%. Ces 2.34% représentent 140 personnes à convaincre. Convaincre, oui mais avec quoi? Pour François Verdonck, la seule vraie question c’est l’emploi. «Si le gouvernement arrive à inverser la courbe du chômage, on retrouvera nos électeurs». Monsieur Hollande, je vous souhaite «Bonne chance» !