Mesures liberticides dans le pays qui inscrit la liberté sur son drapeau

Le Grand Conseil donne la possibilité à la police de prononcer des mesures d'éloignement sur tout le territoire cantonal. Amorcé par l'UDC, le glissement à droite se poursuit, emportant même une partie des socialistes.

Le Grand Conseil donne la possibilité à la police de prononcer des mesures
d’éloignement sur tout le territoire cantonal. Amorcé par l’UDC, le glissement à
droite se poursuit, emportant même une partie des socialistes.

Sous prétexte de permettre
« aux citoyens de se réapproprier
l’espace public », le
Grand Conseil a donné par 86 voix
contre 37 et 15 abstentions la possibilité
à la Police de prononcer des
mesures d’éloignement sur tout le
territoire du canton.

Le même parti avait déjà
convaincu une majorité du Conseil
communal lausannois d’introduire
de telles mesures dès le 1er juillet
de cette année.

Constatant que, ô horreur, « les
rues des villes sont fréquemment
occupées par des personnes qui
s’installent sur l’espace public, dans
les parcs et sur les places », le
député PLR Mathieu Blanc vise en
premier lieu quelqu’un « qui participe
à un rassemblement de personnes
qui porte atteinte à l’ordre
ou à la sécurité publique ». Cette
notion aussi vague que floue, aussi
subjective que liberticide, a été
rapidement éludée dans le débat
pour mettre opportunément l’accent
sur les dealers et les mendiants.

UDC jaloux

Pour les opposants, on atteint une
réelle limitation de la liberté individuelle.
Et dans le pays qui écrit le
mot de Liberté sur son drapeau ! Le
fond du problème n’en sera pas
résolu, comme on le voit à Genève
où de telles règles ont été décidées.
Au contraire, le groupe de personnes
visées restera socialement
inadapté, leur marginalité n’en sera
qu’augmentée. On ne parviendra
qu’à ventiler ces petits groupes vers
d’autres endroits. « Ce n’est que
mettre la poussière sous le tapis. »

Mais le soutien à une telle
motion a tenu souvent de l’envie de
donner l’illusion que le phénomène
est pris en main et d’un certain
opportunisme, voire de l’appropriation
de la paternité des dispositions
proposées. L’UDC en a
immédiatement apporté la preuve,
trois de ses députés, ulcérés par
cette « spoliation » par le PLR de
leur thème favori, se sont abstenus…

Place aux dérives

Il existe déjà des périmètres d’exclusion
pour les hooligans ou pour
les dealers. Comme le relève le
rapport de minorité, « le législateur
dispose aujourd’hui déjà de tous
les instruments nécessaires pour
les phénomènes soulevés par la
motion, à condition qu’il y ait
infraction, ce que ne prévoit pas la
motion ». Et c’est bien là le plus
grave. Le délit de faciès menace.
Comme au 19ème siècle où dans le
brave canton de Vaud on interdisait
les « mal vêtus » de certains
lieux comme le voisinage des
églises. Quant au droit de manifester,
il est gravement touché. Le rapporteur
de minorité a relevé combien
le nombre d’interdictions
diverses ne font qu’augmenter dans
notre pays, sans pour autant
apporter de résultats spectaculaires
quant au sentiment de sécurité.

Socialistes divisés

Sans surprise, la droite ne s’est pas
sentie touchée par ces arguments.
Tout comme la majorité du groupe
socialiste. Du président du parti au
président du groupe ou au municipal
Tosato, ils furent 15 à soutenir
la motion, à la suite du plaidoyer
de Rebecca Ruiz. Onze se sont abstenus
et 14 ont rejoint, avec trois
membres de l’Alliance du Centre,
l’opposition de la coalition POPsolidaritéS.
Tous les Verts ont
refusé, y compris le municipal
Jean-Yves Pidoux, mais à une seule
exception, celle du syndic de Lausanne,
Daniel Brelaz.

C’est ainsi que s’accomplit lentement
et sûrement un glissement
vers la droite. L’UDC entraîne le
PLR qui durcit le ton, paniqué de
voir son déclin s’aggraver. Le PS à
son tour se laisse emporter dans le
mouvement.

A suivre l’anémomètre, certains
feraient sans doute bien de se
méfier du sismographe.